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REVUE. — CHRONIQUE.

M. Petrus Borel avait publié, il y a un an environ, des Rhapsodies ; aujourd’hui Champavert[1], qui n’est autre que le même Petrus Borel, nous donne des Contes immoraux. Nous serons sérieux avec M. Borel, parce qu’il a assez de talent pour mériter qu’on le soit avec lui, et parce qu’il l’est en vérité trop peu, lui et quelques-uns de ses amis, avec le public. Il s’est formé, depuis deux ou trois ans, une société de jeunes peintres, sculpteurs et poètes, dont plusieurs annoncent un mérite incontestable, mais qui comptent beaucoup trop sur les avantages de l’association et de la camaraderie en fait d’art. Ils ont cru pouvoir continuer et réorganiser sur un plus large plan le cénacle ébauché par leurs aînés en 1829 ; ils sont tombés, comme tous les imitateurs, dans des inconvéniens plus graves. Il en est résulté chez quelques-uns un contentement précoce, un mépris du grand public, des formes étranges et maniérées qui ne sont pas comprises hors du cercle, et, pour ainsi dire, une sorte d’argot maçonnique qui souvent fait tort à leur pensée. Nous estimons trop le cœur et la portée de ces jeunes artistes pour ne pas leur parler avec franchise. Voici, par exemple, M. Borel qui croit devoir mettre en tête de ses contes une biographie mortuaire sur un Champavert, avec lequel il identifie le Pétrus Borel des Rhapsodies, de façon que, dans ce dédale de Champavert et de Pétrus, le pauvre lecteur éperdu ne sait auquel de tous ces sosies se reprendre. Je lui reprocherai encore dans ses contes, où l’imagination et l’originalité se font jour, cette incroyable profusion d’épigraphes, de titres et d’étiquettes en toutes langues, sans traduction ; moi, par exemple, qui ne suis pas un Panurge, et qui n’entends que deux langues d’Europe, outre la française, il y a, je le confesse, les deux tiers de ces têtes de chapitre que je n’ai pas compris. La pensée première a ainsi à traverser trois ou quatre enveloppes étrangères, l’Espagne, l’Italie, le moyen âge ; la dent se fatigue à chercher la pulpe sous cette contexture redoublée, et l’on est tenté de rejeter le livre comme un de ces fruits qui ne sont qu’écorce jusqu’au cœur. On aurait tort pourtant : il y a dans Champavert un fonds réel, beaucoup d’esprit, de l’observation mordante, du style ; je renvoie les sceptiques à Passereau qui est un plaisant conte, bien que les soubrettes y sachent le grec et l’art poétique, les cochers de cabriolet l’espagnol, les officiers de carabiniers le moyen âge, bien qu’on y dise la garde bourgeoise au lieu de la garde nationale ; oui, malgré tout cela, Passereau est un joli conte.

Les Mémoires d’un cadet de famille[2], par Trelawney, ami et compagnon de Byron, sont une lecture facile, amusante, peu convaincante par en-

  1. Eugène Renduel, rue des Grands-Augustins.
  2. Dumont, Palais Royal, 88.