Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 1.djvu/662

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
654
REVUE DES DEUX MONDES.

chose qu’une action visible, un geste, une scène, révélable par l’expression des physionomies ? est-ce que l’un d’eux aurait jamais cru qu’une parole, si belle soit-elle, peut être peinte ? Est-ce que dans la vie de Constantin, la Genèse du Vatican ou la Cène, il y a quelque chose d’analogue ? Je crois qu’on peut hardiment répondre par la négative.

Le départ du duc d’Orléans pour l’Hôtel-de-Ville est une composition fort inférieure à la précédente.

Ici, on le voit tout d’abord, le sujet ne se refusait pas à la peinture. Il y avait un drame, réunissant toutes les conditions poétiques que l’artiste peut souhaiter. Unité : la joie populaire, l’enthousiasme, les exclamations, l’étonnement, la curiosité, l’attente, sur tous les visages ; variété : les mille accidens, les innombrables épisodes qui accompagnent toujours la guerre civile et la délivrance d’une nation.

Je ne sais guère d’objection sérieuse contre un pareil sujet, que la mesquinerie de notre costume. Et en effet, je conçois très bien qu’un peintre préfère l’époque de Louis xiii ou de Charles Ier, pour l’élégance des formes et l’éclat des couleurs ; mais ce n’est là qu’une difficulté médiocre. Une fois la donnée acceptée, il est possible, à coup sûr, de l’assouplir et d’en avoir raison.

Comme toutes les classes du peuple sont mêlées et confondues, il y a, dans l’opposition de la misère et de la richesse, de la jeunesse empressée et de la vieillesse tremblante, un charme singulier, qui n’échappe jamais aux imaginations élevées. Charlet, s’il eût pris en main un pareil problème, aurait bien su le résoudre à sa manière, et glorieusement. Pourquoi faut-il que M. Horace Vernet, après avoir, il y a deux ans, réduit aux proportions de son insouciante facilité une des plus grandes journées de notre première révolution, Camille Desmoulins au Palais-Royal, ait poursuivi sur la dernière son parti pris de traiter lestement toute chose ? — En regardant le tableau de 1831, on pouvait croire que la foule assemblée attendait un feu d’artifice, et montait sur les chaises pour mieux distinguer le sillon lumineux des fusées. Cette fois-ci, c’est bien pire encore : nos souvenirs de trente mois, qui sont encore aussi frais, aussi verts, aussi vivans, que si l’exil d’une dynastie était d’hier seulement, l’image encore présente de la poussière qui