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par son silence la destinée glorieuse qu’elle avait acceptée. Elle ne veut plus de l’immortalité à laquelle sa pudeur s’était résignée.

Pauvre M. Thiers ! je ne puis le blâmer, car je le plains de toute mon âme. Pour la première fois qu’il se mêle d’inventer, tant oser et si mal réussir ! Les deux accusés traduits en cour d’assises confondent par la netteté de leurs réponses la partialité captieuse du président et l’exaspération fébrile de M. Persil.

Attendons la fin de la comédie.

Une idée infiniment délicate de M. Dupin mérite de notre part une mention honorable. Cette idée que les journaux et les salons ont traitée avec trop de dédain vraiment, et qui n’a guère rencontré que de l’indifférence, est un chef-d’œuvre à troubler le sommeil d’un courtisan et d’un tribun, d’un aide-de-camp de sa majesté et d’un aventurier de tribune. Le second bal de M. le président a été parfaitement convenable, comme le premier, remarquable par le bon accueil et l’aménité. Mais le député de la Nièvre ne peut rester en si beau chemin. Il faut qu’il prouve à la France et au roi qu’il les aime tous deux d’un égal amour : à l’une qu’elle est heureuse, à l’autre qu’il est confiant ; et pour ce faire qu’a-t-il imaginé ? un troisième bal où les 86 départemens seront représentés par leurs costumes caractéristiques. On ne dit pas si les épouses des honorables seront chargées exclusivement de porter le costume.

Une chose m’attriste seulement, c’est qu’au lieu du costume local, M. Dupin n’ait pas choisi le costume allégorique. J’aurais tant aimé à voir les danseuses coiffées de tours et de bastions, comme les trente-deux villes que M. Huyot a demandées pour l’attique de l’Étoile ! C’eût été beaucoup mieux assurément, et plus gracieux que la poudre, louée à l’étourdie par l’héritier du trône, et portée à l’envi par des femmes lasses de leur jeunesse et de leur beauté.

Pour compléter dignement cette miniature historique, je vous parlerai de deux livres qui contrastent merveilleusement par leur sens et leur portée. La destination de l’homme, de Fichte, que M. Barchou nous a donnée, interprétée par une belle et simple préface, est un des plus beaux monumens de la philosophie, comparable pour la grandeur, l’élévation et l’intimité aux meilleurs dialogues de Platon ; réunissant au même degré la lueur paisible de la raison, et l’éclat éblouissant de la poésie, comme aux temps de la Grèce de Périclès. Dans le Livre des femmes, j’ai distingué particulièrement une vieille histoire, qui ne mérite pas son titre, puisqu’elle raconte, avec un charme plein d’animation et de nouveauté, un épisode de la vie du cœur, la seule histoire qui ne vieillisse pas. Peut-être l’ironie y est-elle