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PHILOSOPHIE DE SCHELLING.

renoncer à tout acte extérieur. Mais cette hypothèse est fondée sur la supposition que l’objectif, sous des apparences variées, est lui-même partout et toujours identique à lui-même ; qu’en conséquence, toutes nos actions sont dirigées vers un même but par une main invisible. De la sorte, bien qu’en agissant, les hommes ne suivent que leur libre arbitre, une nécessité cachée ne leur en fait pas moins produire un ordre de choses déterminé d’avance, qui leur demeure invisible, et sur lequel ils ne sauraient hasarder la moindre conjecture. Cet ordre de choses n’apparaît ainsi qu’à un moment fixé, mais se montre alors avec d’autant plus d’évidence qu’il a été moins attendu, que les actes qui l’ont amené ont été plus libres, moins dirigés en apparence vers ce but final. Or, cette nécessité ne saurait exister qu’au moyen d’une synthèse absolue de tous les actes ; synthèse, qui, se retrouvant dans la multitude des actes et des évènemens extérieurs, donnerait naissance au développement historique lui-même. Au moyen de cette synthèse absolue, et précisément parce qu’elle est absolue, toutes choses sont par avance posées, rangées, calculées. Les oppositions les plus formelles en apparence, les contradictions les plus manifestes, sont expliquées, conciliées. Cette synthèse n’existe qu’au sein de l’absolu. Donc enfin, cet objectif, dont tout être doué de conscience et d’activité a l’intuition dans tous ses actes, n’est autre chose que l’absolu.

À ce point de vue, on se trouve amené à admettre dans la nature une sorte de mécanisme, au moyen duquel certains résultats sont assurés d’avance à chacun de nos actes. Il nous semble voir ce même mécanisme diriger vers un but élevé les actes de l’espèce tout entière, les lois de la nature et de l’intuition. Ces lois, qui au fond de toutes les intelligences se retrouvent absolument identiques à elles-mêmes, ces lois, dis-je, sont bien réellement l’éternel et l’universel objectif de toutes les intelligences. Cette unité, cette identité, sous laquelle l’objectif apparaît à toutes les intelligences, explique en outre la possibilité d’une prédétermination de toute l’histoire par l’intuition au moyen d’une synthèse absolue. Les développemens divers de cette même synthèse, à travers certaines séries de circonstances, constituent l’histoire elle-même. Il reste à rendre compte de la façon dont la liberté des actes peut s’accorder