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avec cette prédétermination ; ce que nous venons de dire suffit seulement, en effet, à nous faire apercevoir comment la nécessité n’existe dans l’histoire que par rapport à l’objectivité de l’acte, et ne nous explique nullement les autres propriétés de l’histoire. Cela ne nous rend pas compte de la coexistence de la liberté avec la nécessité ; cela ne nous dit rien des lois irréfragables, en vertu desquelles a lieu cette coexistence. En d’autres termes, nous n’ignorons pas moins en quoi consiste l’harmonie existant entre un objectif, qui n’est soumis qu’à ses propres lois, qui n’existe qu’en vertu de lui-même, et l’être libre, qui, de son côté, existe aux mêmes conditions, et n’obéit qu’à l’impulsion de son libre arbitre. Ce mécanisme appartient à la nature ; comme la nature tout entière, il faut donc qu’il soit soumis aussi à des lois nécessaires. Il serait par conséquent tout-à-fait inutile d’essayer de produire, au moyen de la liberté, cette nécessité objective de l’acte ; car cette nécessité n’obéit qu’à ses propres lois, qu’à elle-même.

À ce point de vue de la réflexion, deux choses se montrent à nous en opposition permanente. D’un côté nous voyons l’intelligence en soi, c’est-à-dire, ce qui est commun à toutes les intelligences, l’objectif absolu ; de l’autre, le subjectif se modifiant librement par lui-même, le subjectif absolu. Par l’intelligence en soi, la nécessité objective de l’histoire se trouve déterminée. Mais comme le subjectif et l’objectif sont tout-à-fait indépendans l’un de l’autre, il en résulte que chacun ne dépend que de soi. D’où puis-je donc savoir que la prédétermination objective et l’infinité des possibles que peut créer la liberté, s’engendrent réciproquement ? D’où puis-je savoir que cet objectif est aussi une synthèse absolue de la totalité des actes libres ? Comment, d’un autre côté, l’accord primitif de la liberté absolue et de l’objectif peut-il éternellement subsister, s’il est vrai que cette liberté soit absolue, et ne puisse être modifiée par l’objectif ? Si l’objectif est toujours la chose modifiée, comment se fait-il qu’il soit modifié, précisément de la façon dont il ait été modifié ; et qu’il le soit ainsi par la liberté qui, agissant au moyen du libre arbitre, finisse pourtant par produire, par manifester extérieurement ce qui n’était pas en elle, la nécessité ? Cette harmonie entre l’objectif, c’est-à-dire, la nécessité, et la chose qui modifie l’objectif, c’est-à-dire, la liberté ;