Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/200

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
194
REVUE DES DEUX MONDES.

merveille. Si l’auteur veut acquérir plus de hardiesse, je m’assure qu’il réussira dans les sujets simples et paisibles. Quant au drame, c’est encore une question.

§ V.

Nous ne voyons pas au Louvre tous les ouvrages de David et de Pradier que nous espérions y étudier. Un seul buste, celui de Boulay de la Meurthe, et le groupe de Cyparisse, au lieu des nombreux portraits que nous avions entrevus, l’absence de la statue de Jean-Jacques, voilà bien des sujets de regrets ; et cependant nous en avons assez pour comparer et analyser les mérites et l’avenir de ces deux maîtres. Sans doute il eût mieux valu avoir sous les yeux Béranger, Lareveillère-Lépaux, Sieyes, Cuvier, Paganini, et, à côté d’une figure païenne, le philosophe genevois et le maréchal Gouvion ; mais nous ne pouvons blâmer l’administration qui, par respect pour l’équité, a refusé d’admettre ces ouvrages.

Le portrait de Boulay de la Meurthe est un des meilleurs de David, égal, selon nous, à ceux de Bentham et de Chateaubriand. On y aperçoit bien ce qui se trouve rarement dans les marbres modernes, la différence des saillies musculaires et des saillies osseuses. Les plans du visage et du front sont nombreux, fouillés et vivans. C’est aussi bien que les bustes antiques, quoique plus complexe, aussi harmonieux, quoique plus savant. Nous devons regretter devant un pareil ouvrage que Bonaparte et Byron n’aient pas posé pour David. Au salon prochain nous aurons de lui des portraits, deux statues, et trois peut-être, si la figure de Philopœmen, destinée aux Tuileries, est achevée.

Le Cyparisse, comme je l’ai dit, se distingue par une grâce exquise, par la finesse et la pureté des lignes, par le choix et la jeunesse des plans, par la vérité des inflexions, la naïveté de l’attitude. La seule chose que j’y blâmerai, c’est l’insignifiance de la tête. L’auteur m’objectera, je le sais, des exemples pareils dans la statuaire romaine ; mais ces exemples n’appartiennent pas aux meilleurs temps ; l’art grec du temps de Périclès, les masques admirables de Jupiter, de la Vénus, de l’Ajax, de l’amant d’Aspasie