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MÉLANGES.

dans les régions froides de l’Europe, situées dans le voisinage de la mer, on nourrit les bœufs et chevaux avec du poisson. Pour la Norvége en particulier, il invoque le témoignage de Therm-Torfœus.

Si la chose est plus commune dans les régions froides qu’ailleurs, cela tient sans doute à la moindre abondance des pâturages, car, même dans les pays chauds, les herbivores s’accommodent assez bien du poisson, et je tiens d’un ichtyologiste distingué, M. Valenciennes, que, sur certains points de la côte de l’Inde, on donne aux chevaux une espèce de saurus, qui s’y pêche en grande abondance. À défaut de poisson frais, les chevaux mangent du poisson salé, et ceux que M. de Calonne fit en 1788 amener d’Islande n’eurent pas d’autre nourriture pendant la traversée comme pendant leur séjour à Dunkerque. Feu M. du Petit-Thouars, qui était alors en garnison dans cette ville, le vit de ses propres yeux.

J’ai lu, je ne sais où, que dans une partie de l’Asie on fait entrer dans la nourriture des chevaux une sorte de pâtée faite avec de la chair cuite hachée. Si cette coutume existe réellement, et qu’elle soit d’une grande antiquité, il ne serait pas impossible que le récit du fait s’altérant de bouche en bouche jusqu’à ce qu’il arrivât aux Grecs, fût l’origine de la fable des chevaux de Diomède.

Je n’ai jamais vu de chevaux manger de la chair, mais je me rappelle fort bien avoir vu, il y a quinze ans, chez un boucher de la rue Croix-des-Petits-Champs, un énorme mouton qui était habituellement dans la boutique, et qui broutait dans le gras d’un aloyau comme dans une touffe de gazon.

Un voyageur anglais, très bon observateur, W. Moorcroft, a vu dans le Ladak une race de petits moutons, aussi familiers que le sont nos chiens, et qui viennent fréquemment dans les maisons pour y chercher de quoi manger. Trouvant peu de chose à mordre sur les rochers granitiques où il leur est permis d’errer, ces animaux dévorent avidement tous les restes des repas de leurs maîtres, lèchent la marmite, serrent les miettes tombées à terre, et épluchent un os de manière à n’y rien laisser.

Dans l’Amérique du Sud, lorsqu’une bande de sauterelles (criquets-voyageurs des naturalistes) se jette sur un canton, elle le dépouille complètement de sa verdure, de sorte qu’il ne reste pas