Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
17
ANDRÉ DEL SARTO.

le bras droit un peu blessé. Oh ! pas grand’ chose ; mais je me fais vieux, et, dame ! dans mon temps… j’aurais dit…

ANDRÉ.

Tu es blessé, dis-tu ? Qui t’a blessé ?

GRÉMIO.

Ah ! voilà le difficile. Qui ? personne ; et cependant je suis blessé. Oh ! ce n’est pas à dire qu’on puisse se plaindre, en conscience…

ANDRÉ.

Personne ? toi-même, apparemment ?

GRÉMIO.

Non pas, non pas : où serait le fin, sans cela ? Personne, et moi, moins que tout autre.

ANDRÉ.

Si tu veux rire, tu prends mal ton temps. Remontons à cheval, et partons.

GRÉMIO.

Ainsi soit-il. Ce que j’en disais n’était point pour vous fâcher, encore moins pour rire. Aussi bien riait-il fort peu ce matin, quand il me l’a donné en courant.

ANDRÉ.

Qui ? que veut dire cela ? qui te l’a donné ? Tu as un air de mystère singulier, Grémio.

GRÉMIO.

Ma foi, au fait, écoutez. Vous êtes mon maître ; on aura beau dire, cela doit se savoir ; et qui le saurait si ce n’est vous ? Voilà l’histoire : j’avais entendu marcher ce matin dans la cour, vers quatre heures ; je me suis levé, et j’ai vu descendre tout doucement de la fenêtre, un homme en manteau.

ANDRÉ.

De quelle fenêtre ?

GRÉMIO.

Un homme en manteau, à qui j’ai crié d’arrêter ; j’ai cru naturellement que c’était un voleur, et donc, au lieu de s’arrêter, vous voyez à mon manteau ; c’est son stylet qui m’a effleuré.

ANDRÉ.

De quelle fenêtre, Grémio ?

GRÉMIO.

Ah ! voilà encore : dame ! écoutez, puisque j’ai commencé ; c’était de la fenêtre de madame Lucrèce.