À nos yeux la politique n’est pas seulement un atelier ou un chantier à ourdir par douzièmes inextricables les fils du budget, à ouvrager d’étroites intrigues administratives ou judiciaires, à taillader et amincir le bois dont on fait les ambassadeurs et les premiers commis ; la politique, à nos yeux, est aussi une science, et la morale aussi est une science. Que M. le procureur du roi, avec l’assentiment du garde des sceaux, consulte le ministre de l’instruction publique, qui est compétent sur ce point ; M. Guizot répondra bien certainement que la politique est une science et la morale aussi, lui qui naguère a créé dans l’Institut une cinquième académie des sciences morales et politiques.
M. Guizot renverra M. le procureur du roi à son ordonnance et au rapport qui la précède, et M. le procureur du roi y lira :
« Les sciences morales et politiques ont acquis, pour la première fois, ce qui leur avait toujours manqué, un caractère vraiment scientifique. On s’est efforcé de les appuyer sur des données certaines, de les rendre rigoureuses et positives. Elles sont devenues aussi plus applicables ; leur utilité plus manifeste a été plus réelle ; la société tout entière a reconnu leur empire. »
Que si M. le procureur du roi conserve encore quelques doutes sur la conduite qu’il lui convient de tenir, M. Guizot pourra mettre le doigt sur cette phrase :
« La révolution de juillet doit rendre aux sciences morales et politiques la place et les hommages qui leur sont dus. »
Et s’il n’est pas entièrement rassuré dans sa religion, il verra, dans un article même de l’ordonnance, que les sciences morales et politiques, à qui la révolution de juillet a voulu rendre la place et les hommages qui lui sont dus, embrassent :
La philosophie, la morale et la législation ;
Le droit public et la jurisprudence ;
L’économie politique et la statistique ;
L’histoire générale et philosophique.
Or, notre intention à nous, comme la série de nos travaux de philosophie, d’économie et d’histoire l’atteste suffisamment, notre intention est de traiter la politique comme une science. Il nous a semblé qu’au milieu de débats quotidiens si envenimés, il n’était pas sans utilité, pour le progrès moral du pays, qu’un coup-d’œil rare, plus calme et plus profond sans doute, embrassât de loin en loin les évènemens dont l’apparition soulève de si terribles orages, et qu’à côté des harangues de forum, il y eût une place pour les méditations du cabinet.
Avons-nous tort ? Vivons-nous dans un temps où la fièvre et l’irritation