Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/281

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
275
BEATA.

— Sans doute, vous n’êtes pas femme.

— Oh ! rieuse, vous vous moquez.

— Cela se peut, mais nous ne comptons pas les florins. Savez-vous, monsieur, que si je vais de ce train-là je n’aurai pas fini demain…

— Plaise à Dieu ! ma belle.

— Du tout, monsieur, je veux m’aller coucher ; allons, laissez-moi compter.

— Tout ce qu’il vous plaira, mais auparavant j’ai un autre conte à vous faire.

— Je ne comprends pas.

— Je n’y pensais plus, vous êtes Allemande ?

— Hongroise, s’il vous plaît, monsieur.

— N’importe, c’est un mauvais jeu de mot, je voulais vous dire…

— Je vous écoute.

— Je voulais vous dire que je vous aime.

— Vraiment, vous ne m’avez vue que la nuit.

— Qu’est-ce que cela fait ?

— Eh bien ! si j’avais la peau noire.

— Impossible, vous êtes blonde.

— Si j’étais contrefaite ?

— Mon bras le saurait.

— Si j’avais des yeux verts ?

— Vous ne le diriez pas, — pas plus que si vous m’aimiez.

— C’est ce qui vous trompe.

— Eh bien ! puisque vous êtes si franche, m’aimez-vous ?

— Non !

— Et pourquoi ?

— Parce que — bien des choses.

— Mais encore ?

— Parce que d’abord vous êtes un comte, et que je ne suis qu’une petite campagnarde.

— Si ce n’est que cela, je donnerais un monde de florins et de titres, rien que pour le baume de vos cheveux, et puis ?

— Parce que j’ai là quelque chose qui m’empêche de vous aimer.

— Le cœur ?

— Non vraiment, mais un petit papier.