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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/284

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REVUE DES DEUX MONDES.

amour. Ce n’est pas qu’il en eût connu des milliers, mais une ou deux bien étudiées, bien retournées, lui avaient donné plus de lumières sur ce chapitre que la possession d’un harem.

C’était au demeurant un fort aimable garçon, fort bien tourné et fort original ; un homme à donner vingt Parisiennes pour un cheval anglais, et toute la littérature du dix-huitième siècle pour trois vers inconnus d’un ami des MM. de Pange. Ce soir-là, il dansait peu et jouait beaucoup. Or, tandis que sa femme passait de mains en mains, chassait, croisait, tournait, sautait à en perdre le souffle et ses jarretières, monsieur faisait rouler l’or à pleines poignées sur une table de pharaon.

Enfin, vers minuit, la mariée se retira dans son appartement avec sa mère et ses femmes. Après elle, la place resta long-temps encore à une douzaine d’enragées marquises, qui en auraient pris jusque sur l’autel, et qui dansèrent jusqu’à pâmoison ; mais la fatigue vint bientôt balayer ce reste de danseurs et de danseuses. Tout disparut, orchestre et lumières. Les joueurs eux-mêmes, race d’ordinaire inamovible et tenace, désertèrent peu à peu les rangs, ils se démolirent un à un, et quittèrent tous le salon, tous… excepté deux, et ces deux là… ils ne jouaient pas aux cartes en partie, ils jouaient aux dés, au plus haut point : ils voulaient aller vite.

— Ma foi, saute, comtesse, et toute la dot. — Mille louis, marquis ?

— Je le veux bien, jette le cornet : — trois, cinq ; perdu.

— Deux mille louis ?

— Deux, six ; perdu.

— Dix mille, marquis ?

— As, cinq ; perdu. Voilà deux cent mille livres.

— Deux cent mille livres !

— Tu n’as plus rien ?

— Non !

— Alors, bonsoir.

— Écoute, marquis, voilà qui vaut quinze mille florins. (Il tire de son cou une tresse de cheveux blonds, noués avec un petit ruban bleu, et il la jette sur la table.)

Es-tu fou, une tresse de cheveux !