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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/383

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ÉCONOMIE POLITIQUE.

et de prohibitions qui enveloppe les états modernes, réseau destructeur de la liberté du commerce, de cette liberté dont le catholicisme nous aurait dotés depuis long-temps, si son action n’avait été arrêtée par la réforme. »

Cette dernière conjecture est malheureusement peu fondée sur l’histoire. Les douanes existaient en Europe bien avant la réforme et la philosophie. Colbert n’a fait que régulariser ces entraves commerciales dont deux pays protestans, l’Angleterre et les États-Unis, ont les premiers reconnu et réduit les inconvéniens.

Les républiques italiennes, ces filles chéries de la papauté qu’elles protégeaient contre l’Europe féodale, n’avaient aucune idée de la liberté du commerce. On ne voit entre elles que de sanglans combats, pour s’arracher mutuellement les profits de quelque marché en Afrique ou dans l’Orient. Dès le commencement du douzième siècle, une guerre éclate entre Venise et Padoue, qui avait détourné le cours de la Brenta pour en interdire l’entrée aux bateaux vénitiens.

Pendant l’expédition de saint Louis en Afrique, le sénat de Venise établit un droit de péage sur les navires et les marchandises de toutes les parties de la mer Adriatique. Nouvelle guerre. Les Bolonais demandent la paix et une diminution du nouveau péage qu’on leur accorde, à condition qu’ils raseront un fort destiné à gêner la navigation du Pô. Ancone, à qui ce droit n’est pas moins odieux, s’adresse au pape Grégoire x, pour s’en plaindre. Grégoire x et Nicolas iii, qui lui succède, interviennent bien pour préserver Ancone des maux de la guerre, mais le tarif dont elle souffre est maintenu sans aucune protestation de leur part. Au quatorzième siècle, Clément vi n’accorde aux Vénitiens la permission de faire un riche commerce avec le soudan d’Égypte et la Syrie, que pour cinq ans, puis pour dix ans, tant il s’effraie de semblables relations avec des infidèles. Mahomet ii, peu de temps après la prise de Constantinople, a moins de scrupules, car il conclut avec la même république un traité confirmé plus tard par Bajazet ii, dont la première stipulation est ainsi conçue : « Tous les sujets nés ou réputés vénitiens pourront aborder librement dans tous les ports de la domination du Grand-Seigneur, et notamment à Constantinople, en payant à la douane impériale deux pour cent pour toutes les marchandises d’entrée et de sortie. »

En 1484, le sénat vénitien établit sur le commerce étranger des droits si élevés qu’ils équivalent à une prohibition. La ville de Raguse déclare à la république que si on ne modère pas ce tarif, elle sera obligée de subir le joug des Turcs dont elle est déjà tributaire. Le sénat est inflexible.