Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/384

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
378
REVUE DES DEUX MONDES.

Alors les Ragusains implorent la protection du Grand-Seigneur, qui mande le baile de Venise et lui reproche fièrement l’injustice de sa nation. Il est vrai que le Grand-Seigneur échoue dans son entremise.

Quand Alexandre vi régla la ligne de démarcation qui devait séparer les récentes découvertes de l’Espagne et du Portugal, le saint-siège eut encore une belle occasion de fonder dans l’ancien et le Nouveau-Monde la liberté commerciale dont il s’était si peu inquiété autour de lui. Ce dessein était d’autant plus facile que les deux royaumes concurrens étaient plus disposés à l’obéissance. Mais la fameuse bulle d’Alexandre vi est au contraire une sorte de consécration des prétentions prohibitives, des douanes et monopoles coloniaux, qui ont allumé de si fréquentes guerres entre les puissances maritimes.

« Nous défendons sous peine d’excommunication, y est-il dit, à toutes personnes de quelque dignité qu’elles soient, fût-ce impériale ou royale, d’aller ou envoyer, sans avoir permission de nous et de nos successeurs, à aucune de ces îles et terres fermes qui sont déjà découvertes et sont encore à découvrir vers l’occident et le midi, suivant la ligne que nous entendons passer du pôle arctique au pôle antarctique, cent lieues loin des îles Açores et du cap Vert. Qu’aucun ne soit si téméraire que d’enfreindre ce qui est porté par notre mandement, exhortation, requête, donation, concession, assignation, constitution, décret, défense et volonté ; et si quelqu’un avait la hardiesse d’attenter au contraire, qu’il soit assuré d’encourir l’indignation de Dieu tout-puissant et des apôtres saint Pierre et saint Paul. » (1493)

Il est impossible de donner un monde d’une façon plus absolue et plus exclusive. Ces exemples, auxquels on pourrait ajouter quelques pirateries des chevaliers de Malte, prouvent assez que le catholicisme n’était pas destiné à doter les nations sur lesquelles il avait le plus d’influence, de la liberté du commerce, et n’a d’ailleurs été contrarié dans cette entreprise ni par la réforme ni par la philosophie.

M. de Coux assure que toutes les merveilles de la civilisation sont dues au catholicisme ; mais aussitôt que l’émancipation des communes et l’accroissement de leurs richesses offrent quelques conséquences affligeantes, comme un défaut de proportion entre la population et ses moyens de subsister, la misère des ouvriers, le dérèglement des mœurs, vite il en rend responsables les divers schismes et l’incrédulité. Ce partage n’est point équitable. Si le catholicisme est la cause première de notre droit des gens, de notre industrie, de notre liberté, toutes nos misères sont aussi des conséquences de ces progrès mêmes. L’essentiel serait de trouver