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DU THÉÂTRE ESPAGNOL.

cherait l’égal de Moreto, car il a toutes ses qualités, s’il ne l’eût surpassé dans ses défauts. Puis viennent Guillen de Castro, Ruiz de Alarcon, La Hoz, Diamante, Mendoza, Belmonte, les frères Figueroas, qui écrivaient en commun, comme font aujourd’hui nos vaudevillistes ; Cancer, Enciso, Salazar, Bancès-Candamo, qui tous, sans avoir fait une école, un théâtre, se sont au moins distingués par quelque composition importante.

Le mouvement littéraire suivit, en Espagne, le mouvement politique ; les lettres et les arts eurent, comme la nation même, leur grandeur et leur décadence. Les malheurs dont la monarchie espagnole fut accablée dans les dernières années du règne de Philippe iv, et plusieurs deuils de cour qui firent successivement fermer les théâtres, portèrent les premiers coups à l’art dramatique. La mort de ce prince (1665) qui en avait été le plus zélé protecteur, fut le signal d’une chute rapide et complète. Son successeur, l’imbécile Charles ii, était encore dans la première enfance, et la reine régente signala les débuts de son administration par un décret que lui dicta sans doute son directeur, le jésuite Evrard Nitard, et qui est assurément unique dans l’histoire littéraire des nations. Elle ordonna « que toutes les comédies cessassent « jusqu’à ce que son fils fût en âge de s’en amuser. » Bien que cet ordre étrange n’ait pu être rigoureusement exécuté, on conçoit l’effet qu’il dut produire dans un temps où les lettres ne pouvaient fleurir que sous le patronage des grands, et où le théâtre ne résistait aux attaques multipliées du Conseil de Castille que par la protection spéciale du prince. Un seul fait en fera juger. Nous voyons dans un mémoire adressé à Philippe iv par le comédien Cristoval Santyago Orriz, en 1632, que l’on comptait alors en Espagne plus de quarante troupes de comédiens, quoique le Conseil n’en voulût autoriser que six, qu’elles se composaient d’environ mille personnes, et qu’on avait tellement élevé de salles de spectacles, qu’il y avait bien peu de villes, et même de bourgs, qui n’en eussent au moins une mise en fermage. Cependant, au mariage de Charles ii avec une nièce de Louis xiv (1679), mariage où l’on déploya toute la magnificence possible, on ne put rassembler plus de trois compagnies pour les spectacles de la cour.

À cette époque de décadence et d’abandon, un seul homme es-