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LES ENFANS D’ÉDOUARD.

de leur droit ; mère, elle doit sacrifier, s’il le faut, l’honneur de son nom au salut de ses enfans. Dans la tragédie de M. Delavigne, elle flotte incessamment entre ces deux rôles sans se décider pour aucun.

Buckingham professe en toute occasion une innocence qui a tout lieu de nous surprendre dans le compagnon et l’âme damnée de Richard iii. Qu’il trébuche par maladresse, je le veux bien ; qu’il se perde auprès de son maître par impertinence ou par gaucherie, à la bonne heure ! Mais qu’il oppose à l’ambition de Glocester les scrupules d’une conscience timorée, c’est ce que je ne saurais comprendre.

Tyrrel a particulièrement charmé l’auditoire de la rue de Richelieu. J’aurais mauvaise grâce à nier un fait aussi public. Pourtant, je dois l’avouer, je n’ai pas une admiration bien vive pour cette scélératesse bavarde qui éclate en bruyantes fanfares, qui se vante, s’explique, se met à l’enchère, et qui, au moment de l’action, chancelle et redescend au niveau des poltronneries vulgaires. J’aimerais mieux dix fois que Tyrrel récitât quelque cent vers de moins sur la flamme ondoyante du punch, sur les follets capricieux qui viennent se jouer au bord du bowl, sur l’inconstance des dés et le bonheur de l’orgie, et qu’il eût la main prompte, sûre et fidèle. Si j’avais été Richard iii, loin de le récompenser pour avoir gardé les fils d’Édouard iv, je l’aurais fait pendre pour avoir laissé sa veuve pénétrer dans la Tour de Londres.

Je n’ai pas le courage de critiquer le caractère attribué aux enfans d’Édouard. Le rôle qu’ils jouent est tellement passif, que le blâme peut à peine les atteindre. Ils ne sont pas ; c’est tout ce que j’en puis dire. Ils devaient concentrer l’intérêt sur eux-mêmes, mais ce n’était pas à eux que l’action appartenait. Ils en étaient le but et non le moyen. S’ils ne signifient rien dans la tragédie de M. Delavigne, leur nullité doit être imputée à la faiblesse et à l’inhabileté des autres caractères.

Est-ce que par hasard l’été de 1483, tel que le racontent les historiens anglais, ne contenait pas les élémens d’une tragédie ? Voyons.

Je suis fort d’avis qu’il est très inutile, pour inventer un poème dramatique fondé sur une époque donnée de l’histoire d’un peuple,