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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/550

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REVUE DES DEUX MONDES.

Cela lui a fait faire beaucoup de grandes choses et beaucoup de sottises aussi, mais jamais rien de commun. Voilà son caractère.

LA DUCHESSE.

Vous n’êtes pas rassurant, docteur, s’il va d’un extrême à l’autre, il m’aimera bien, et je ne saurai que faire de cet amour-là.

TRONCHIN.

Ce n’est pourtant pas ce qui peut vous arriver de pis aujourd’hui, madame.

LA DUCHESSE.

Ah ! mon Dieu, que me dit-il là ! (Elle frappe du pied.)

TRONCHIN.

C’est un fort grand seigneur, madame, que M. le duc. Il a toute l’amitié du roi et un vaste crédit à la cour. Quiconque l’offenserait serait perdu sans ressource, et comme il a beaucoup d’esprit et de pénétration, comme outre cela il a l’esprit ironique et cassant, il n’est pas possible de lui insinuer sans péril un plan de conduite, quel qu’il soit, et vouloir le diriger serait une haute imprudence. Le plus sûr avec lui serait une franchise totale.

LA DUCHESSE (s’est détournée plusieurs fois en rougissant, elle se lève et va à la fenêtre).

Assez, assez par grâce, je vous en supplie, monsieur ; je me sens rougir à chaque mot que vous me dites et vous me jetez dans un grand embarras.

(Elle lui parle sans le regarder.)

Je vous l’avoue, je tremble comme un enfant. — Je ne puis supporter cette conversation. Les craintes terribles qu’elle fait naître en moi, me révoltent et m’indignent contre moi-même. — Vous êtes bien âgé, monsieur Tronchin, mais ni votre âge, ni votre profession savante, ne m’empêchent d’avoir honte qu’un homme puisse me parler, en face, de tant de choses que je ne sais pas, moi, et dont on ne parle jamais ! (Une larme s’échappe.)

(Avec autorité.)

Je ne veux plus que nous causions davantage.

(Tronchin se lève.)

La vérité que vous avez à me dire et que vous me devez, écrivez-la ici, je l’enverrai prendre tout-à-l’heure. — Voici une plume. Ce