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QUITTE POUR LA PEUR.

que vous écrirez pourrait bien être un arrêt, mais je n’en aurai nul ressentiment contre vous. (Elle lui serre la main, le docteur baise sa main.) Votre jugement est le jugement de Dieu. — Je suis bien malheureuse.

(Elle sort vite.)


Scène IV.


TRONCHIN seul.
(Il se rassied, écrit un billet, s’arrête et relit ce qu’il vient d’écrire ; puis il dit :)

La science inutile des hommes ne pourra jamais autre chose que détourner une douleur par une autre plus grande. À la place de l’inquiétude et de l’insomnie, je vous donne la certitude et le désespoir.

(Il s’essuie les yeux où roule une larme.)

Elle souffrira parce qu’elle a une âme candide dans son égarement, franche au milieu de la fausseté du monde, sensible dans une société froide et polie, passionnée dans un temps d’indifférence, pieuse dans un siècle d’irréligion. Elle souffrira sans doute ; mais dans le temps et le monde où nous sommes, la nature usée, faible et fardée dès l’enfance, n’a pas plus d’énergie pour les transports du malheur que pour ceux de la félicité. Le chagrin glissera sur elle, et d’ailleurs je vais lui chercher du secours à la source même de son infortune.



Scène V.


TRONCHIN, ROSETTE.
ROSETTE.

Monsieur, je viens chercher…