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dans ses détails et d’harmonie dans son ensemble. On y trouve des rues nouvelles deux ou trois fois larges comme celle qui conduit au Luxembourg, bordées chacune par deux canaux qui servent à l’écoulement des eaux en temps de pluie, et à rafraîchir la voie publique quand il fait chaud ; mais ces rues sont percées par une infinité de ruelles et d’impasses où les canaux mal entretenus répandent une odeur infecte et des miasmes qui déciment la population. On a formé depuis peu de belles places ornées de bassins où viennent se baigner avec les Hindous, des grues, des cigognes et des pélicans ; mais il n’y a pas un arbre pour se mettre à l’abri du soleil, et ce n’est qu’à la chute du jour qu’on peut s’y promener. Il existe à Calcutta des temples, des églises, des synagogues, des mosquées, des pagodes, enfin des logemens pour toutes les communions. À côté d’une maison de commerce anglaise, qui ressemble à un hôtel, se trouve le palais d’un prince indien, qui ressemble à une écurie. Il y a plusieurs bazars aussi grands que la halle, et des boulevards aussi longs qu’à Paris ; mais le costume des habitans, leur langage, les boutiques, et une foule d’autres petites particularités établissent une différence infinie entre une ville du Bengale et une ville de France. Les voyageurs, qui abordent ici après cinq mois d’une navigation pénible, reposent avec délices leurs regards fatigués de la monotonie de la mer sur tous ces objets nouveaux pour eux. À leurs yeux une hutte est un palais, un buisson est une forêt ; mais si on résiste à l’illusion, rien n’étonne dans cette ville qu’on vante avec tant d’exagération, et dont peut-être on n’eût jamais parlé, si, au lieu d’être au bord de la mer, elle eût été située à trois cents milles dans l’intérieur. Je conviens que le premier aspect en est séduisant. Les maisons, d’une blancheur éblouissante, sont pour la plupart ornées de colonnes et de portiques ; au lieu de ces toits en pente qui menacent les passans, elles sont couronnées par une vaste terrasse entourée d’un balcon élégant ; on n’y voit pas de portes sales, de fenêtres brisées, de poutres à découvert, etc. La pluie, le soleil et les insectes auraient bientôt détruit le bois qu’on ne peindrait pas sans cesse. La propreté est aussi nécessaire pour les choses que pour les hommes, et les Anglais l’observent minutieusement. La plus belle maison en apparence est celle du gouverneur général qui n’est pas moins grande que la moitié du palais