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LETTRES SUR L’INDE.

des Tuileries. C’est encore un monument qui frappe au premier aspect, mais qui déplaît quand on l’examine avec attention : il est ramassé et lourd ; ses colonnes sont mal distribuées et mal proportionnées ; on y reconnaît deux ou trois ordres d’architecture. Les portes sont beaucoup trop petites ; les escaliers rappellent ceux des onzième et douzième siècles. On s’y trouve gêné malgré son étendue, et tout décèle un architecte sans goût, ou peut-être l’insuffisance des matériaux qui ne sont que des briques.

Calcutta, qui n’était qu’un village, ne renferme aucune antiquité. Le seul objet qui réveille un souvenir est une petite colonne, trajane par sa forme, mais qui rappelle un crime atroce, au lieu d’un règne glorieux. Elle indique le lieu de la sépulture de cent vingt-trois pères de famille européens, qui moururent suffoqués par la chaleur dans un petit corps-de-garde, nommé depuis blak hole (trou noir), où les fit entasser un prince indien, Souradja-Doula, qui s’empara de Calcutta quelques années après sa fondation.


20 juillet.


Je n’ai trouvé que peu de choses à te dire sur les maisons de Calcutta, et je n’en aurai guère plus sur les hommes, car les marchands se ressemblent tous, de quelque nation qu’ils soient, parce que le besoin impérieux de l’argent les soumet aux mêmes idées, aux mêmes habitudes et aux mêmes défauts. L’inconvénient de cet esprit de commerce pour ceux qui ne s’en occupent pas est de rendre Calcutta la ville la plus insipide du monde, comme aussi la plus riche et la plus vicieuse. Il n’y en a pas où le vol soit plus ouvertement toléré, où l’on s’inquiète moins de la moralité des individus, où l’on compte pour si peu la probité et le désintéressement. Comme le vrai talent trouve toujours à vivre dans son pays, il s’ensuit que la grande majorité des hommes d’ici est fort médiocre, et que les plus nobles professions y deviennent un métier plus ou moins mal exercé. Ainsi, je crois pouvoir avancer que les médecins du Bengale sont généralement des charlatans intéressés et paresseux, puisque, préférant l’argent à toute considération, il n’y en