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sonnablement sur le Barampouter, est le père du Halde ; mais celui qui le remonta le plus haut fut sans contredit le père Barbier, qui eut l’heureuse idée de porter un confessionnal dans les montagnes du Thibet. M. Bogle, qui fut envoyé vers le grand Lama, pour rassurer son infaillibilité effrayée de l’avidité anglaise, M. Bogle, dis-je, donna enfin sur ce sujet des renseignemens positifs que tu peux lire comme moi dans l’Annual Register, si le cœur t’en dit. Mais ce que tu ne verras pas là, c’est que les eaux du Barampouter sont aussi sacrées que celles de son frère le Gange. On est aussi bien purifié en se lavant les mains à Sourinampour d’où je t’écris, qu’à Benarès ou Patna. Il y a même des théologiens hindous qui disputent sérieusement sur la prééminence des eaux des deux fleuves. Ceux qui vivent au bord du Gange le préfèrent au Barampouter, et réciproquement ; ceux qui demeurent à égale distance de l’un et de l’autre, se décident suivant leurs caprices. Les rois qui ne se dérangent pas, même pour se purifier, envoient tous les ans une cruche en ambassade, et j’ai vu le rajah de Tanjore en personne, qui quittait ses états pour venir ici se purger de trois ou quatre homicides.

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2 septembre.


Je suis entré aujourd’hui dans une rivière à laquelle toutes les cartes s’accordent à ne donner qu’environ cent pieds de largeur ; mais au lieu d’un ruisseau, j’ai trouvé un lac. Depuis plusieurs jours, je suis consigné dans mon bateau, n’ayant sous les yeux que l’image de la plus affreuse désolation. Figure-toi des plaines de douze à quinze lieues d’étendue entièrement submergées et couvertes cependant d’une végétation magnifique. Figure-toi des bateaux courant à la voile au milieu de champs de riz et de joncs, et paraissant glisser sur l’herbe. Maintenant approche avec moi de ces amas de huttes élevées sur des monticules de quelques pieds de surface, et qui seraient elles-mêmes entraînées, si l’eau montait de quelques pouces. Tu verras des malheureux entassés comme dans une étroite prison, des troupeaux nombreux qui ne savent où se coucher, et par-dessus tout cela des nuées d’insectes, de punaises et