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tion à une autre vie, qu’auraient précédée et que devraient suivre grand nombre d’initiations analogues ? À ces points de vue divers, il est certain que notre vie terrestre n’aurait également de prix, de valeur, de signification que par rapport à cette autre vie d’au-delà de la tombe, qui doit lui succéder ; qu’elle n’est en quelque sorte qu’un milieu où doit commencer à poindre le germe précieux que nous portons en nous, pour aller croître et grandir ensuite sous de nouvelles conditions d’existence, sur quelque autre globe encore peut-être perdu pour nous dans les espaces sans limites de la création ; mais alors les circonstances extérieures, les événemens variés au sein desquels nous vivons, à l’occasion desquels sont mises en jeu nos facultés diverses, n’ont de mérite, de valeur, de prix, de signification, qu’autant qu’elles exercent de l’influence sur notre nature morale, c’est-à-dire, sur la partie de nous mêmes par laquelle nous devons nous survivre, qu’autant qu’elles aident dès à présent à la manifestation définitive de l’être impérissable qui habite en nous. C’est l’acier dont le choc sert au dégagement de l’étincelle contenue dans le caillou. C’est le souffle sous lequel la harpe éolienne laisse échapper les sons mélodieux qu’elle tenait emprisonnés. S’il est donc nécessaire que la destinée se heurte violemment à nous, afin que l’étincelle divine jaillisse de notre sein dans son plus ineffable éclat ; s’il est nécessaire que le vent de la douleur nous atteigne d’une mortelle haleine, afin que s’échappent des plus mystérieuses cordes de notre âme les sons merveilleux du sacrifice, du dévoûment, de l’abnégation de soi-même ; allons nous présenter nus, s’il le faut, au souffle le plus rigoureux de l’adversité ; allons offrir une poitrine intrépidement calme aux plus terribles coups de la destinée.

Cessons ainsi de redouter les désolations de toutes sortes dont une main cachée paraît se plaire à semer pour nous les sentiers de notre vie terrestre ? Bénissons, au contraire, les obstacles passagèrement douloureux, sous le froissement desquels peut se briser à chacun de nos pas notre enveloppe mortelle, car il nous sera donné de nous élever sur ses débris, pour prendre aussitôt possession des royaumes sans fin de l’éternité et de l’infini.

C’est aussi là ce qu’ont enseigné les doctrines les plus augustes, c’est ce qu’ont proclamé les voix les plus saintes, qui aient retenti