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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/700

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de sa ville natale. Le négociant chargé de cette importante mission partit accompagné de sa nièce, orpheline de vingt-deux ans, à laquelle il tenait lieu de père ; l’oncle et la nièce reçurent de M. et de Mme Necker l’accueil le plus amical, et promirent une seconde visite pour la soirée du lendemain.

Le 9 décembre 1776, sur les sept heures du soir, une voiture d’assez belle apparence, mais dans laquelle un observateur attentif pouvait reconnaître un carrosse de louage, traversa la cour de l’hôtel des finances, et s’arrêta devant le vestibule qui menait au grand escalier. Aussitôt un laquais de bonne mine, mais sans livrée, sauta lestement de derrière la voiture et ouvrit la portière, sur les panneaux de laquelle étaient peintes des armoiries de fantaisie. Un homme d’environ cinquante ans, d’une mise fort soignée, descendit le premier ; il portait un habit de velours brun, une veste de satin blanc semée de paillettes d’or, et un nœud de ruban à son épée. Dès qu’il eut mis pied à terre, il tendit la main à une jeune personne dont la toilette un peu étrangère paraissait plus simple et en même temps plus modeste que celle des dames de Paris à cette époque ; tous les deux se dirigèrent vers le salon de compagnie, et, en ouvrant pour eux la porte à deux battans, un valet de chambre annonça d’une voix sonore M. Auberti et mademoiselle de Risthal.

Tous les hommes se levèrent ; et M. Necker, dont la politesse était d’ordinaire assez froide, fit quelques pas vers la porte avec un empressement marqué : « Adieu, Joseph, dit le ministre, comment va-t-il ? » Et sur-le-champ, comme pour retirer cette locution génevoise, qui venait de lui échapper à la vue d’un compatriote, il ajouta : « Bonjour, mon vieil ami, je suis charmé de vous voir ! » En prononçant ces mots, il présenta la main à mademoiselle de Risthal, et la conduisit près de la cheminée, où madame Necker était assise dans un large fauteuil, à la tête d’un demi-cercle de dames parées avec tout le luxe et l’attirail du temps. Leurs robes, gonflées par d’énormes paniers, s’étalaient devant elles en éventail, et offraient à l’œil plusieurs rangs de garnitures, où brillaient l’or, l’argent, les perles, au milieu de bouffettes de gazes et de guirlandes de fleurs artificielles. Leurs cheveux, relevés sur le sommet de la tête, à une hauteur démesurée, étaient surmontés d’une aigrette