de diamans, d’un nuage de plumes, ou d’une corbeille de fleurs : ce dernier nom fut quelque temps classique dans le vocabulaire des modes. Madame Necker, femme de trente-six à trente-huit ans, assez belle, mais sans grâces, ne le cédait en magnificence à aucune des dames de son cercle. Trois étages de falbalas garnissaient sa robe ; mais sa coiffure favorite, celle qu’elle portait ce soir-là, était moins haute et moins compliquée : c’était une espèce de turban, auquel, soit à cause de sa forme, soit par une sorte de flatterie, les marchandes de modes venaient de donner le nom de casque à la Minerve.
Madame Necker fit asseoir auprès d’elle sa jeune compatriote, et lui adressa quelques paroles avec une bienveillance un peu apprêtée. Celle-ci répondit sans embarras, quoique d’une voix timide, puis elle tendit la main à une petite fille de dix à onze ans, qui occupait un tabouret aux pieds de madame Necker. Cet enfant, destiné à devenir un jour une femme célèbre, n’était alors remarquable que par la vivacité de ses grands yeux noirs qui observaient tout, et par un babil quelquefois spirituel, mais où perçait l’intention de produire de l’effet. Plusieurs hommes, d’un âge mûr et d’un maintien grave, vinrent l’un après l’autre, engager avec mademoiselle Necker une conversation à laquelle sa mère ne prenait aucune part, mais qu’elle interrompait souvent par ces mots : « Ma fille, tenez-vous droite ». Cet ordre était toujours accompagné d’un mouvement de tête et d’un effacement d’épaules que la petite personne s’empressait d’imiter. M. Necker vint, à son tour, complimenter sa fille de l’amitié que lui témoignait, une personne telle que mademoiselle de Risthal : « Louise, dit-il en souriant, je vais vous donner un fauteuil, car ce soir vous avez vingt ans. » La jeune Louise, se retournant avec vivacité sur son tabouret, répondit par une saillie d’enfant, qui ne fut pas du goût de sa mère : un regard froid de celle-ci réprima aussitôt cet enjoûment ; et le ministre s’éloigna d’un air qui prouvait plus d’indulgence.
Pendant ce temps, les dames du salon examinaient avec curiosité mademoiselle de Risthal, et se demandaient, en chuchotant, qui elle était. Une femme de vingt-cinq ans, peu jolie, et ayant beaucoup de rouge, dit à une autre dame très-belle et excessivement parée, dont le fauteuil se trouvait près du sien, à une assez