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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/725

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PHILIPPE DE MORVEL.

nuancé, et pour tout dire, plein de ces expressions qui se trouvent dans toutes les bouches.

— Expliquez-vous, dit madame Necker avec une certaine vivacité. Voulez-vous donc bannir du style tragique la majesté et la noblesse ? il faut dire oui ou non, car à pareille règle il n’y a pas d’exception possible.

— Quoi ! madame, vous n’admettriez pas dans le style élevé certaines locutions familières ?

— Vraiment, non.

— Vous ne souffririez pas dans une tragédie, faire l’amour, aller voir ses amours ?

— Non, certainement.

— Et les hémistiches suivans Prenez votre parti ; pour bien faire, il faudrait ; non, vois-tu, faisons mieux ?

— Je n’en voudrais pas même dans une lettre.

— Mais, madame, songez que Racine a été moins difficile.

— Racine était libre ; il créait son art, répliqua madame Necker d’un ton sentencieux, qui exprimait son opinion inébranlable.

— Oh ! Pour Racine, dit d’Alembert, mon cher ami, ne le citez pas, cela pourrait lui porter malheur ; déjà à très bonne intention, vous lui avez rendu un mauvais service.

— Moi, dit Marmontel avec surprise, et comment cela ?

— Comment cela ? en persuadant à la Clairon de changer de costume dans tous ses rôles, de jouer Roxane sans panier, et Andromaque sans mantelet noir.

— Ah ! mon ami, dit Marmontel, voilà une de vos boutades !

— Vraiment, monsieur, dit madame Necker, c’est une plaisanterie ?

— Non, madame, je parle sérieusement.

— Quoi ! monsieur, dit le comte de Morvelle, vous regrettez de ne plus voir au théâtre le vieux costume de tradition : le chapeau à plume pour Auguste, les gants à franges pour Agamemnon, et les talons rouges pour Achille ?

— Oui, monsieur, je regrette tout cela. Et pourquoi ? vous venez de le dire, parce que cela était de tradition, parce que Racine et Corneille avaient vu les héros de leurs pièces vêtus, coiffés, chaussés de la sorte, parce qu’en écrivant ils se les figuraient sous cet