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homme de cour, accoutumé à la richesse des vêtemens, se promener en grand costume devant sa maîtresse pour s’en faire admirer ; cela sent le Joudain ou le Turcaret. Les événemens se précipitent aussi un peu trop à la fin de l’ouvrage, sans laisser au lecteur le temps de respirer. Quant au style, il est remarquablement dégagé de toute exagération, souple et animé. De tout point Thadeus est tellement supérieur à Daniel le lapidaire, qu’on croirait à peine que ces deux ouvrages sont sortis de la même main. Pour rendre à chacun ce qui lui est dû, il est juste de faire observer que M. Michel Masson a eu cette fois pour collaborateur un jeune écrivain, M. A. Luchet, à qui reviennent de droit une partie de ces éloges.

Depuis les Intimes, qui firent sensation dans leur temps, et qu’on n’a pas encore oublié après deux années, le nom de Michel-Raymond avait perdu quelque peu de sa popularité ; il était retombé dans la foule avec le Puritain de Seine-et-Marne, dont personne ne se souvient. Encore une chute pareille, et il était permis de croire que l’auteur ou les auteurs qui portaient ce nom nous avaient donné du premier jet toute la mesure de leur savoir-faire. Les Sept Péchés capitaux[1] viennent fort à propos pour prouver que M. Michel-Raymond n’est pas un de ces météores qui ne brillent un seul instant d’une vive lumière que pour disparaître aussitôt sans retour. Son nouvel ouvrage contient sept contes ; c’est là le seul rapport qu’il ait avec les sept péchés capitaux, titre qui pourrait le faire prendre pour un cours de théologie en action. Est-ce pour cette raison ou pour satisfaire quelque exigence mercantile que ce titre lui a été imposé ? Peu importe, ce problème est de mince importance. Dieu sait quelles fantaisies viennent traverser le cerveau d’un auteur arrivé au bienheureux moment de baptiser l’enfant de ses labeurs. L’essentiel est que celui-ci soit né viable et conformé de manière à faire son chemin dans le monde. Ce chemin si obstrué par la foule, si rude à la montée, si glissant à la descente, M. Michel-Raymond le parcourra cette fois, je pense, avec honneur. Non pas que je me prenne d’une admiration aveugle pour le contenu entier de son livre ; au milieu d’une grande puissance d’invention, de beaucoup d’entente du récit, de verve et d’entraînement je vois deux grands défauts, deux taches capitales ; l’une est un sacrifice trop fréquent à l’outré, à l’horrible, ressources des talens vulgaires que M. Michel-Raymond devrait dédaigner. Il y a dans un de ces contes, l’Orpheline, la plus révoltante alliance de l’inceste et du parricide qu’ait jamais enfantée un cerveau malade ; l’autre défaut est que le style, éminemment propre à exprimer la passion, dégénère parfois, dans les descriptions,

  1. Chez Dupuy, rue de la Monnaie.