Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/737

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
731
REVUE. — CHRONIQUE.

« Et voilà que le Christ envoya contre l’empereur douze hommes simples ; mais, comme ces hommes avaient l’esprit saint, l’esprit de sacrifice, ils vainquirent l’empereur.

« Et s’il y en a parmi vous qui disent : Nous ne sommes que des soldats illettrés ; comment pourrons-nous vaincre par notre parole les sages des nations les plus éclairées et les plus civilisées ?

« Ceux qui parlent ainsi doivent se rappeler que les sages d’Athènes, passaient pour être les plus éclairés et les plus civilisés du monde, et qu’ils n’en furent pas moins vaincus par la parole des apôtres ; car les apôtres ayant prêché au nom de Dieu et de la liberté, le peuple abandonna les sages et vint aux apôtres. »

THADEUS LE RESSUSCITÉ.

Une donnée très dramatique, une de ces situations qui font exception dans la vie humaine, s’est présentée à l’esprit de M. Michel Masson, qui en a tiré habilement parti. Thadeus le ressuscité[1] est un livre qui laisse loin derrière lui la foule des productions ordinaires, bien qu’il ne compte pas parmi celles qui ont pour base une de ses idées profondes dont elles sont le développement, comme Indiana ou Valentine par exemple. Mais dans la classe à laquelle il appartient, classe dont on n’exige qu’un intérêt soutenu dans les évènemens, et du style sans conclusion de haute portée, ce roman occupera une place remarquable. On suit avec une émotion toujours croissante ce malheureux Thadeus, comte de Wurzheim, pendu en 1795, à Berlin, pour un crime imaginaire, rappelé à la vie par un médecin, mais restant mort pour l’univers entier ; puis fugitif en France, revenant après de longs malheurs dans sa patrie, où il reprend sa place dans la société sous un faux nom ; rentrant en France avec l’armée des alliés, délivrant sa fille vendue à un duc de la restauration par une mère infâme, et retournant mourir à Berlin, épuisé par vingt ans de souffrances morales. Il règne une grande vérité dans la peinture de chaque époque ; je citerai surtout celle de l’occupation de Paris par les alliés, époque où la généreuse indignation des classes inférieures de la population contrasta si fortement avec la bassesse de celle qui se prétend la première de toutes. Thadeus, environné d’une foule frémissante, et contraint de se battre à la suite d’un affront sanglant, est un des passages qui font le plus d’honneur au talent de M. Michel Masson. Les caractères de tous ses personnages sont bien tracés, et se soutiennent jusqu’au bout sans déchoir. Son duc est peut-être trop odieux, et je n’aime pas le voir, lui,

  1. Chez Dupont, rue Vivienne.