Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
154
REVUE DES DEUX MONDES.

tendre. C’est surtout dans le chant du psaume 113e, qui est, je crois, de Battishill, qu’ils m’ont fait le plus grand plaisir. Si l’on enseignait la musique dans les écoles de charité, je ne doute pas qu’on ne fît facilement des musiciens de tous les enfans. Ce genre d’instruction, qui est fort répandu dans toute l’Allemagne, a donné aux habitans de ce pays une grande supériorité d’organisation musicale sur les autres peuples de l’Europe.

De tout ce que je viens de dire, il résulte que la musique d’église véritable n’a qu’une existence accidentelle en Angleterre, et qu’elle ne sera peut-être jamais plus florissante, par suite de causes qui sont indépendantes des progrès de cet art, mais qui nuiront toujours au développement des facultés musicales des Anglais.

Dès qu’il s’agit de considérer la situation de l’art musical dans un pays, les théâtres lyriques se présentent en première ligne, parce que la plupart des peuples européens ont une musique dramatique plus ou moins nationale. En effet, tout le monde sait que les opéras italiens, français et allemands ont une physionomie distincte, qui les fait reconnaître au premier aspect, malgré les déguisemens sous lesquels on les présente quelquefois dans des traductions, des pastiches ou d’autres opérations mercantiles. Y a-t-il aussi une musique dramatique en Angleterre ; et, s’il n’en existe pas, peut-elle naître un jour ? C’est ce que je veux examiner. Mais avant de parler de l’art en lui-même, il est nécessaire de jeter un coup-d’œil sur l’organisation matérielle des théâtres de Londres.

Comme il fait en toute chose, le gouvernement anglais abandonne à l’intérêt particulier le soin d’entretenir et de faire prospérer les théâtres. Aucune gêne n’est imposée aux entrepreneurs de spectacles : point de censure dramatique, point de commissaires royaux, point de frais de garde, point de taxe pour les pauvres, si ce n’est celle qui est établie sur le loyer de la salle, comme cela se pratique pour toute propriété ; mais aussi point de secours, ni de ce qu’on appelle en France des subventions. Dans un pays où il est publié deux fois chaque semaine un journal d’énorme dimension destiné seulement à l’annonce des banqueroutes de la capitale, il importe peu qu’un entrepreneur soit ruiné, ou plutôt qu’il dépouille ceux qui sont assez imprudens pour lui confier de l’ar-