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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/204

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REVUE DES DEUX MONDES.

Ker, encore si peu distincts, qu’on est tenté de les prendre pour des accidens naturels[1]. Si vous interrogez les gens du pays, ils répondront brièvement que ce sont les maisons des Torrigans, des Courils, petits hommes lascifs qui, le soir, barrent le chemin, et vous forcent de danser avec eux jusqu’à ce que vous en mouriez de fatigue. Ailleurs, ce sont les fées qui, descendant des montagnes en filant, ont apporté ces rocs dans leur tablier[2]. Ces pierres éparses sont toute une noce pétrifiée. Une pierre isolée, vers Morlaix, témoigne du malheur d’un paysan qui, pour avoir blasphémé, a été avalé par la lune[3].

Je n’oublierai jamais le jour où je partis de grand matin d’Au-

  1. Voy. les figures dans l’ouvrage de M. Fréminville, et dans le Cours d’antiquités monumentales de la France, de M. de Caumont, secrétaire de la société des antiquaires de Normandie. Ce savant a, le premier, appliqué une critique sévère à cette partie de l’archéologie nationale.
  2. C’est la forme que la tradition prend dans l’Anjou. Transplantée dans les belles provinces de la Loire, elle revêt ainsi un caractère gracieux, et toutefois grandiose dans sa naïveté.
  3. Cet astre est toujours redoutable aux populations celtiques. Ils lui disent, pour en détourner la malfaisante influence : « Tu nous trouves bien, laisse-nous bien. » Quand elle se lève, ils se mettent à genoux, et disent un Pater et un Ave (Cambry, t. iii, p. 35). Dans plusieurs lieux, ils l’appellent Notre-Dame. D’autres se découvrent quand l’étoile de Vénus se lève (Cambry, I, 193). — Le respect des lacs et des fontaines s’est aussi conservé : ils y apportent à certain jour du beurre et du pain (Cambry, III, 35. V. aussi Depping, I, 76). — Jusqu’en 1788, à Lesneven, on chantait solennellement, le premier jour de l’an : guy-na-né. (Cambry, II, 26.) — Dans l’Anjou, les enfans demandaient leurs étrennes, en criant ma guilanneu (Bodin, Recherches sur Saumur), dans le département de la Haute-Vienne, en criant : gui-gne-leu. — Il y a peu d’années que dans les Orcades, la fiancée allait au Temple de la Lune, et y invoquait Woden (Logan, II, 360.) — La fête du Soleil se célébrait encore dans un village du Dauphiné, selon M. Champollion-Figeac (sur les Dialectes du Dauphiné, p. 11). Aux environs de Saumur, on allait, à la Trinité, voir paraître trois soleils. — À la Saint-Jean, on allait voir danser le soleil levant. (Bodin, loco citato.) — Les Angevins appelaient le soleil Seigneur, et la lune Dame, (id. Rech. sur l’Anjou. I, 86.) — Tous ces faits demanderaient examen.