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RÉVOLUTIONS DE MADAGASCAR.

lonie de Madagascar, fut chargé de cette mission, et partit le 20 juillet 1830 pour Tananarive ; mais il ne put parvenir à sa destination. Andremiahaja, qui était alors au faîte de son pouvoir, vint à sa rencontre, et lui signifia, dans une audience publique, qu’il n’y avait aucune paix à espérer tant que la France réclamerait la plus petite portion du sol de Madagascar.

Dès le mois de mars, le commandant de l’expédition, dont la santé était depuis long-temps altérée par le climat, avait quitté Madagascar sur la frégate la Terpsichore, pour retourner en France. Il toucha à Bourbon, où il trouva l’opinion publique fortement prononcée contre la manière dont l’entreprise avait été conduite. De vives discussions eurent lieu entre lui et les membres du conseil privé de la colonie ; mais comme les deux parties étaient également compromises dans cette affaire, on tâcha de dérober au public la connaissance de ces débats, et l’on fit courir le bruit qu’une nouvelle expédition aurait lieu de France l’année suivante, et que le commandant ne partait que pour l’organiser.

Le reste de l’année se passa sans apporter aucun changement politique à Madagascar ; mais la famine fut toujours croissant, et nos établissemens devinrent le théâtre de scènes telles qu’il faudrait remonter aux plus désastreuses époques de l’histoire, pour en trouver de pareilles. Aucun approvisionnement n’arrivant de la grande terre, on fut obligé de tirer des vivres de Bourbon, qui, à son tour, les achetait à grands frais à Maurice. Les blancs ne recevaient qu’une faible ration, mais leurs souffrances n’étaient rien, comparées à celles des Malgaches renfermés dans la presqu’île de Tintingue. La pêche ne pouvait suffire à nourrir un si grand nombre d’hommes, et ceux qui se hasardaient à sortir de l’enceinte fortifiée pour aller à la chasse, étaient massacrés par les Hovas qui rôdaient dans les environs. Les casernes étaient encombrées de ces malheureux avec lesquels nos soldats partageaient leurs alimens. La disette en vint à ce point que l’écorce de tous les arbres de la forêt qui pouvaient fournir un aliment grossier, fut arrachée et dévorée. Les pères vendaient leurs enfans à vil prix, et venaient souvent les offrir en échange de quelques poignées de riz. Ces ventes devinrent si communes, qu’on pouvait se procurer des esclaves à la seule condition de les nourrir.