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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/333

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INTRODUCTION À LA SCIENCE DE L’HISTOIRE.

sommes aujourd’hui, et pour long-temps encore, à l’état philosophique, et nous sommes en quête d’une philosophie nouvelle et dogmatique. « Est-il nécessaire de déclarer, dit M. Buchez, que nous n’élevons pas nos prétentions au-delà de la production d’une philosophie nouvelle ? Est-il nécessaire de dire qu’une philosophie se distingue d’une révélation, en ce que la première, dans son vol le plus élevé, n’atteint jamais au-delà de ce que le raisonnement peut actuellement prouver, et par suite est impropre à fonder un avenir social, tandis que la seconde engendre dans l’humanité une spontanéité créatrice[1] ! » Peut-être n’est-il pas exact d’écrire que la philosophie est tout-à-fait impropre à fonder un avenir social, puisqu’elle le prépare et le conçoit ; mais sans incidenter sur le détail de l’expression, reconnaissons notre accord avec M. Buchez dans l’appréciation du temps où nous sommes, et disons que nous préparons philosophiquement une religion nouvelle.

Nous avons aussi profondément ressenti les sympathies dont se nourrit M. Buchez, et dont il alimente ses lecteurs. Il porte au plus haut degré l’amour de ce qui est social et humain. Il se plonge avec joie et dévoûment dans le sentiment de l’universelle solidarité ; il reconnaît la valeur de l’homme dans son emploi au service des autres, et c’est par la société qu’il constitue l’homme et Dieu. Aussi blâme-t-il ceux qui ont séparé la notion d’un dieu naturel de la notion d’un dieu social.

La noble audace avec laquelle M. Buchez pose ses idées, nous a encore singulièrement convenu. Il est intrépidement dogmatique. Il ne décline la manifestation d’aucune idée qui lui est chère, quel que soit le scandale dont elle puisse offusquer l’état actuel des esprits. C’est ainsi qu’il relève le principe de l’astrologie et qu’il établit que les très grandes révolutions de l’humanité correspondent à de petites révolutions du système planétaire, et il rapproche les fausses applications des astrologues du moyen âge des calculs des Leibnitz et des Laplace. Il y a dans le livre de M. Buchez une poésie latente, d’obscurs et profonds pressentimens.

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