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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/334

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REVUE DES DEUX MONDES.

Toujours implicite et toujours synthétique, M. Buchez, avant d’écrire et d’affirmer, néglige, dans des occasions importantes, de parcourir, par une analyse préliminaire, l’intégralité des idées et des faits. Il n’entre pas dans nos intentions de critiquer la théorie si incomplète de l’auteur sur l’art ; mais s’il parle de la liberté moderne, il semblera la méconnaître, parce qu’il s’abandonne tout entier à de sincères préoccupations sur le dévoûment et la sympathie. Alors il écrira que le dogme de la liberté, unique principe de la société moderne, exclut toute pensée de sympathie et apprend à l’homme l’égoïsme ; que le mot liberté a, au moral, les mêmes conséquences que celui de concurrence en industrie, etc. Il a manqué à l’écrivain d’embrasser la nature et l’histoire de la liberté moderne ; il n’en a vu que les protestations, et non pas l’essence.

Même disposition dans l’intuition d’autres faits historiques. Ainsi l’arianisme n’est pas autre chose, aux yeux de l’écrivain, qu’une damnable hérésie, et il en parle, peu s’en faut, avec le même emportement qu’un contemporain orthodoxe de Constantin. Il nous paraît injuste d’accuser l’arianisme d’hypocrisie. Loin de là ; l’arianisme fut téméraire, car il fut prématuré ; protestation rationnaliste de l’humanité, il dut être vaincu par l’ardeur immense qui entraînait tous les esprits à la croyance d’une intervention divine ; mais il devait recevoir du temps des réparations éclatantes. Où incline le monde depuis le quinzième siècle, au catholicisme ou à l’arianisme ?

Cela nous conduit à une proposition fondamentale, que l’auteur n’a pas assez développée et justifiée : l’humanité n’a pas d’âge, selon lui, elle doit être considérée comme un homme sans commencement ni fin, toujours jeune, toujours actif. J’admets très bien que l’humanité n’a pas d’âges charnels, et n’est pas soumise à la décadence physique qui abolit peu à peu l’individu ; mais si l’humanité a des âges spirituels, et l’idée de progrès ordonne de le croire, il y a donc pour elle une loi du temps dont il importe de trouver la théorie. Sur ce point, il y a, dans les doctrines de M. Buchez, omission complète ; il importe l’éternité dans les affaires humaines, sans résoudre le problème chronologique.

Nous reprendrons le même défaut de clarté et d’explication,