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MAGIE ORIENTALE.

nom pour le désigner) et tout le costume de couleur noire qui ne pouvait se rapporter qu’à un Européen, puisque le noir ne se porte pas en Orient, et en y ajoutant une barbe que les Européens ne portent pas avec le costume franc, était certainement une nouveauté aux yeux de l’enfant. Le lieu de sa naissance, expliqué par un pays tout entouré d’eau, est à lui seul surprenant. Quant à l’apparition de M. Cradock, elle est encore plus singulière, car le grand tarbousch noir, qui est le chapeau militaire à trois cornes, et ces bottes noires qui se portent par-dessus les culottes, étaient des choses qu’il avouait n’avoir jamais vues auparavant, et pourtant elles lui apparaissaient là, au milieu de nous, sous la simple invocation d’un homme tel que nous.

Nous fîmes encore paraître plusieurs personnes, et chaque réponse, au milieu de son irrégularité, nous laissait toujours une profonde impression. Enfin le magicien nous avertit que l’enfant se fatiguait ; il lui releva la tête en lui appliquant ses pouces sur les yeux et prononçant des prières, puis il le laissa. L’enfant était comme ivre, ses yeux n’avaient point une direction fixe, son front était couvert de sueur, tout son être semblait violemment attaqué. Cependant il se remit peu à peu, devint gai, content de ce qu’il avait vu ; il se plaisait à le raconter, à en rappeler toutes les circonstances, et y ajoutait des détails, comme à un événement qui se serait réellement passé sous ses yeux.

J’ai toujours eu un singulier penchant pour ces choses surnaturelles ; mais chez moi ce n’est pas un goût acquis à la suite d’une étude ou d’un caprice, mais une impression qui me prend aux nerfs, s’empare de moi contre ma volonté et la crainte qu’elle m’inspire. Je redoute l’influence que ces effets extraordinaires ont sur moi. Je m’efforce d’y résister, mais je n’en suis pas maître. Le magicien remarqua l’attention plus particulière que je portais à ses mouvemens, à ses paroles, et l’influence que son regard échangé avec le mien avait sur toute ma personne ; car cette influence était réelle : le jeu de ses yeux, leur fixité semblait attacher les miens et les arrêter.

À peine eut-il quitté l’enfant qu’il m’appela, et dit qu’il était sûr d’opérer sur moi avec le même succès. La société rit, et me dit d’essayer ; je riais aussi, mais j’étais loin de me plaire à l’idée de