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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/361

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LÉLIA.

quaient ! C’était jouer son amour sur un dernier coup de dé : elle a perdu ; et, dès ce jour, il n’a plus été en son pouvoir de continuer le sacrifice qui faisait son orgueil et son bonheur.

Son amour s’est dénoué sans lutte, sans tortures ; elle s’est détachée de l’homme à qui elle s’était donnée, comme un fruit mûr se détache de la branche : elle avait fini son épreuve. Elle n’avait plus, elle le croyait du moins, rien à lui demander, rien à apprendre, rien à espérer : elle s’est résignée.

Une fois trompée, sans vouloir renouveler l’expérience, elle a prononcé sur les passions humaines l’anathème des vieillards et des incrédules. Elle a cru que tous les hommes étaient pareils à celui qu’elle avait aimé. Elle s’est persuadée que l’égoïsme était une loi inviolable et constante, et présidait sans relâche à toutes les promesses, à tous les sermens.

Tout le caractère de Lélia repose sur ce premier désappointement de ses légitimes espérances. Elle n’aperçoit plus dans la vie qu’un douloureux pèlerinage vers un but obscur, impénétrable. Elle n’a plus qu’une seule conviction, le mépris ; qu’une seule joie, l’ironie.

Mais le mépris se ment à lui-même quand il croit se suffire. Il se trompe et s’abuse quand il entrevoit dans la perpétuelle négation des joies qui s’agitent autour de lui l’inaltérable durée du repos qu’il ambitionnait.

Mais l’ironie elle-même, si ardente et si hautaine dans ses premiers engagemens avec la confiance et la crédulité, ne tarde pas à rougir de la mesquinerie de ses plaisirs ; elle est bientôt honteuse de l’étroit horizon embrassé par son regard. Son œil s’effraie en plongeant dans cette coupe qu’elle croyait pleine et qui tarit si vite.

Le mépris et l’ironie de Lélia ont le sort que la raison pouvait prévoir. Ils s’épuisent et s’appauvrissent ; ils ne tombent pas sans retour, mais ils chancèlent et ne défendent plus contre les dangers d’une séduction nouvelle l’âme imprudente qui les vénérait comme des remparts inexpugnables.

Lélia se croyait sûre de son indifférence. Elle avait connu l’égoïsme et le défiait hardiment. En face d’un dévoûment sincère, d’une complète abnégation, d’un renoncement généreux, d’une adoration fervente et soumise, tous ses plans de bataille devien-