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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/367

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LÉLIA.

passif. Elle assiste à l’action plutôt qu’elle n’y participe. Mais c’est un type logique et vrai.

§. ii.

Puisque chacun des types qui s’appellent Lélia, Sténio, Trenmor, Magnus, Pulchérie, représente individuellement une idée philosophique, il est tout simple et naturel que l’action engagée entre ces divers personnages obéisse à des lois particulières, émanées du principe même qui a présidé à la création de ces types. Comme pas un des acteurs n’est emprunté immédiatement à la vie réelle et quotidienne, on n’a pas lieu de s’étonner si l’antagonisme symétrique inventé par le poète se pose et s’accomplit d’une façon générale, absolue, sans tenir un compte bien scrupuleux des conditions ordinaires de l’espace et du temps.

Ce qu’il faut et ce qu’on est en droit d’exiger, c’est que chacun des types demeure fidèle à son origine et à sa mission, c’est qu’il ne dévie pas de la route qui lui est tracée par la nature même de ses facultés.

Or, dans Lélia, ce droit n’a pas été méconnu.

Dans le premier acte de cette tragédie, car je ne puis nommer autrement le poème que j’ai sous les yeux, Sténio et Lélia entament franchement la lutte qui doit aboutir à la chute de l’un des deux. Sténio espère et se confie. Lélia ne croit plus et prend en pitié tous ceux qui persévèrent. Aux questions pressantes de Sténio, elle répond d’abord par un silence indulgent et réservé. Elle ménage la lumière à ses yeux ignorans. Puis, peu à peu elle soulève un coin du voile. Après quelques révélations incomplètes et craintives, à mesure que son âme s’irrite et s’afflige de n’être pas devinée, sa main s’enhardit et projette sur le front étonné de Sténio des gerbes d’une lumière éblouissante. Sténio commence à soupçonner la profondeur de l’abîme qu’il a voulu sonder.

Chacun des deux caractères se dessine nettement, avec une impitoyable précision. Au bout d’une heure, il est déjà impossible de ne pas pressentir que l’une de ces deux idées doit absorber et anéantir l’autre.