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IMPRESSIONS DE VOYAGES.

en conséquence ils écrivirent à notre ambassadeur à Turin de tâcher de faire rogner quelque chose sur le mémoire. Celui-ci s’escrima si bien, que la carte à payer leur revint, au bout de huit jours, réduite à 780 francs.

Moyennant le solde de cette somme, ils étaient libres de quitter Aix. Ils ne se le firent pas dire deux fois : ils payèrent, se firent donner leur reçu, et partirent immédiatement, de peur qu’on ne leur représentât le lendemain un reliquat de compte.

Je n’ai pas voulu nommer les deux coupables qui jouissent à Paris d’une trop haute considération pour que j’essaie d’y porter atteinte.

Les huit jours qui s’écoulèrent après leur départ n’amenèrent que deux accidens. Le premier fut un concert exécrable que nous donnèrent une soi-disant première basse de l’Opéra-Comique et un soi-disant premier baryton de l’ex–garde–royale. Le second fut le déménagement de l’Allemand, qui vint prendre une chambre près de la mienne ; il logeait auparavant dans la maison Roissard, située juste en face du trou-aux-serpens, et un beau matin il avait trouvé une couleuvre dans sa botte.

Comme on se lasse des parties d’ânes, même lorsqu’on ne tombe que deux ou trois fois ; comme le jeu est chose fort peu amusante, lorsqu’on ne comprend ni le plaisir de gagner, ni le chagrin de perdre ; comme j’avais visité tout ce qu’Aix et ses environs avaient de curieux ; comme enfin madame la première Basse et monsieur le premier Baryton nous menaçaient d’un second concert, je résolus de faire quelque diversion à cette stupide existence, en allant visiter la grande Chartreuse, qui n’est située, je crois, qu’à dix ou douze lieues d’Aix. Je comptais de là retourner à Genève, d’où je voulais continuer mes courses dans les Alpes, en commençant par l’Oberland. En conséquence, je fis mes préparatifs de départ, je louai une voiture moyennant le prix habituel de 10 francs par jour, et le 10 septembre au matin, j’allai prendre congé de mon voisin l’Allemand ; il m’offrit de fumer un cigarre et de boire un verre de bierre avec lui : c’est une avance qu’il n’avait encore faite, je crois, à personne.

Pendant que nous trinquions ensemble, et que les coudes appuyés, en face l’un de l’autre sur une petite table, nous nous pous-