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REVUE DES DEUX MONDES.

dans ce troisième livre des qualités plus éminentes et plus solides que dans les deux premiers ? l’auteur a-t-il révélé dans sa manière des ressources inattendues ? Je pense très sincèrement que Lélia est un poème d’une plus haute portée, d’une plus vaste contenance que les deux poèmes précédens. Je ne lui prédis pas le même genre de popularité ; mais qu’importe ? Si la foule n’applaudit pas d’abord, parce qu’elle aura besoin d’être initiée, elle suivra docilement, et ne sera pas avare de louanges, lorsqu’elle aura vu les esprits déliés et délicats se rallier autour de Lélia, et détailler patiemment toutes les beautés diverses que l’auteur a semées à profusion.

Et puis heureusement il y a dans Lélia bien des pages d’une psychologie naïve, qui, pour être comprises, se passent très bien du secours de l’érudition et de l’étude. Les femmes surtout, qui excellent dans l’observation et l’analyse des sentimens, ne consulteront pas, pour décider leurs sympathies, les systèmes littéraires ou philosophiques. Elles noteront d’une main attentive tous les passages où elles auront trouvé l’expression et le souvenir de leur vie passée, le tableau de leurs souffrances. Elles auront des larmes et de la vénération pour l’impuissance qui se proclame, et qui révèle toutes ses misères.

Elles s’étonneront d’abord de la hardiesse de l’aveu, quelques-unes rougiront d’avoir été devinées, et seront presque irritées de l’indiscrétion. Mais rentrées en elles-mêmes, elles verront dans Lélia plutôt une apologie qu’une accusation.


GUSTAVE PLANCHE.