Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/376

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
370
REVUE DES DEUX MONDES.

Et sifflaient dans l’écho la chanson du passant ?
Où tout était divin, jusqu’aux douleurs humaines,
Où le monde adorait ce qu’il tue aujourd’hui,
Où quatre mille dieux n’avaient pas un athée,
Où tout était heureux, excepté Prométhée,
Frère aîné de Satan, qui tomba comme lui ?

Et quand tout fut changé, le ciel, la terre et l’homme,
Quand le berceau du monde en devint le cercueil,
Quand l’ouragan du nord sur les débris de Rome
De sa sombre avalanche étendit le linceul ! —

Regrettez-vous le temps où d’un siècle barbare
Naquit un siècle d’or, plus fertile et plus beau ?
Où le vieil univers fendit avec Lazare
De son front rajeuni la pierre du tombeau ?
Regrettez-vous le temps où nos vieilles romances
Ouvraient leurs ailes d’or vers leur monde enchanté ?
Où tous nos monumens et toutes nos croyances
Portaient le manteau blanc de leur virginité ?
Où, sous la main du Christ, tout venait de renaître ?
Où le palais du prince, et la maison du prêtre,
Portant la même croix sur leur front radieux,
Sortaient de la montagne en regardant les cieux ?
Où Cologne et Strasbourg, Notre-Dame et Saint-Pierre,
S’agenouillant au loin dans leurs robes de pierre,
Sur l’orgue universel des peuples prosternés,
Entonnaient l’hosanna des siècles nouvau-nés ?
Le temps où se faisait tout ce qu’a dit l’histoire,
Où sur les saints autels les crucifix d’ivoire
Ouvraient des bras sans tache et blancs comme le lait,
Où la vie était jeune, — où la mort espérait ?

Ô Christ ! je ne suis pas de ceux que la prière
Dans tes temples muets amène à pas tremblans ;
Je ne suis pas de ceux qui vont à ton Calvaire,
En se frappant le cœur, baiser tes pieds sanglans ;