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souvent sans liaison, mais empreintes de toute la grandeur et de toute la tristesse de la sombre mythologie scandinave.

« La vieille était assise à l’est, dans le bois de fer ; là, elle mit au monde les enfans du loup Fenris. L’un d’eux doit devenir puissant, et, sous une forme enchantée, dévorer la lune.

Il se nourrit de la vie des hommes lâches. Du siége des dieux dégoutte le sang. Les rayons du soleil deviennent noirs, tous les vents sont empoisonnés.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

De loin je vois venir le crépuscule des dieux et le dernier combat.

Le dévorant[1] hurle sur la bruyère de Gnipa, les liens se brisent, et le loup se précipite[2].

Il se précipite à l’est, à travers les vallées pleines de poison, de tourbe et de fange[3].

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Elle vit un palais loin du soleil, sur le rivage des cadavres, ses portes sont tournées au nord. Des gouttes de poison y ruissellent à travers les soupiraux. Il est pavé de serpens[4].

Là elle vit marcher dans des torrens pesans, les parjures, les meurtriers, et ceux qui séduisent les femmes d’autrui.

Là le serpent Nilhüggr cherchait les corps des trépassés, le loup traînait les cadavres. Comprenez-vous ceci ? Savez-vous ce que je veux dire ?

Alors les frères combattront, et l’un tuera l’autre. Les enfans des sœurs brisent la parenté. Alors il est dur d’être dans le monde. L’adultère y règne. C’est l’âge des haches, l’âge des glaives ; les boucliers sont fendus. C’est l’âge des tempêtes, l’âge des meurtres ; jusqu’à ce que le monde soit détruit, aucun homme n’épargnera un autre homme.

  1. Garmr, le Cerbère scandinave, dont les aboiemens expriment peut-être ici les bruits souterrains qui précèdent la grande catastrophe.
  2. Le loup Fenris, le principe destructeur est déchaîné.
  3. La fange, les tourbières désignent le pays habité par les Finois. C’est vers ce pays que se dirigent les mauvaises puissances.
  4. C’est l’enfer scandinave.