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DES RÉVOLUTIONS DE LA ROYAUTÉ EN FRANCE.

cident précoce du 9 thermidor ; et lorsque cette Divinité qui veille à la loi du progrès, sous quelque nom qu’on la nomme, Dieu, Nature ou Providence, jeta les yeux sur nous, elle fut étonnée de voir, vivante et retranchée, au milieu de la France, cette aristocratie qu’elle croyait tuée par la Convention.

Aussitôt le soleil de juillet se leva, et comme celui de Josué, s’arrêta trois jours aux cieux.

Alors eut lieu cette révolution miraculeuse, qui n’atteignit que ce qu’elle devait atteindre, et ne tua que ce qu’elle devait tuer ; révolution que l’on crut nouvelle, et qui était la fille de 93 ; révolution qui ne dura que trois jours, car elle n’avait qu’un reste d’aristocratie à abattre, et qui, dédaigneuse d’attaquer la moribonde avec la hache ou l’épée, se contenta de la frapper d’impuissance avec une loi et un arrêt, comme on fait d’un vieillard imbécile qu’un conseil de famille interdit :

Loi du 10 décembre 1831, qui abolit l’hérédité de la pairie ;

Arrêt du 12 décembre 1831, qui déclare que tout le monde peut s’appeler comte ou marquis.

Le lendemain du jour où ces deux choses furent faites, la révolution de juillet se trouva accomplie ; car l’aristocratie était, sinon morte, du moins garottée ; le parti pur de la chambre des pairs, représenté par les Fitz-James et les Châteaubriand, sortit du palais du Luxembourg pour n’y plus rentrer, et, avec eux, toute l’influence aristocratique disparut de l’état, pour faire place à l’influence de la grande propriété.

Voici comment cette dernière s’établit.

Louis-Philippe s’était placé près de la royauté expirante, comme un héritier au chevet du lit d’un mourant. Il s’empara du testament que le peuple aurait pu casser ; mais le peuple, dans son intelligence profonde, comprit qu’il y avait une dernière forme monarchique à épuiser, et que Louis-Philippe était le représentant de cette forme ; il se contenta en conséquence de gratter sur l’écusson héréditaire le gratia Dei, et s’il ne lui imposa pas le gracia populi, c’est qu’il était bien certain que jamais le roi ne s’en souviendrait mieux qu’aux momens où il aurait l’air de l’oublier.

Cependant de nouveaux supports devenaient encore indispensables au nouvel édifice monarchique. Les cinquante mille aristocrates de Louis xv n’existaient plus ; les deux cents grands seigneurs de François Ier étaient tombés ; les douze grands vassaux de Hugues Capet dormaient dans leurs tombes féodales, et à la place des castes détruites, castes qui n’étaient que le privilége de quelques-uns, surgissaient de toutes parts la propriété et l’industrie qui sont le droit de tous. Louis-Philippe n’eut pas même à