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« Le 12 janvier, nous apprîmes que la Clio avait fait voile pour le détroit de Berkeley ; nous partîmes pour la rejoindre, et le 14, nous entrâmes dans le détroit. L’île orientale présente le même aspect que l’autre : seulement la teinte sombre du paysage indique de loin que la bruyère y est plus abondante ; d’énormes rochers, qui couronnent le sommet des collines, et qui, de loin, ressemblent à des villages en ruine, produisent çà et là l’effet le plus pittoresque. J’en remarquai un surtout qui ressemblait tellement à une tour à moitié écroulée, que je doutai long-temps s’il était l’ouvrage de l’homme ou un jeu de la nature. Peu après, nous découvrîmes, sur la droite, un grand navire échoué sur les bords d’une baie sablonneuse ; la plupart de ses voiles qui étaient encore carguées, indiquaient, d’une manière évidente, qu’il avait fait naufrage depuis peu, tandis qu’une tente construite à terre avec des voiles et des esparres, le nombre des hommes qui circulaient aux environs, prouvaient également que l’équipage s’était sauvé. Tous les yeux et toutes les lunettes étaient dirigés sur cet objet intéressant, lorsque nous vîmes quelques-uns des naufragés courir vers quatre canots tirés sur la grève, en lancer un à l’eau, et se diriger sur nous à force de rames ; en une demi-heure, ils nous eurent atteints. Nous apprîmes d’eux que le bâtiment échoué était le Magellan, parti du Havre pour la pêche de la baleine, et qui, cinq jours auparavant, étant entré dans le détroit pour compléter son eau, avait été jeté à la côte par un coup de vent d’une violence terrible. Ces hommes venaient nous prier d’accorder passage à quelques-uns d’entre eux qui voulaient quitter l’île ; les autres s’étaient déterminés à attendre l’arrivée de quelque bâtiment français, qui, du reste, n’excitait pas beaucoup leur impatience, ayant des vivres pour une année sous leur tente, sans parler du bétail, des porcs, des lapins, des oies et du poisson qu’ils se procuraient en abondance et sans difficulté.

« Nous jetâmes l’ancre en face de Berkeley où était situé l’établissement français fondé à peu près dans le même temps que le Port-Egmont fut occupé par les Anglais, et abandonné quelques années avant ce dernier. Il était resté sans habitans depuis cette époque, lorsqu’il y a neuf ans, un Anglais, nommé Schofield, vint s’y établir avec quelques hommes pour chasser le bétail sauvage, descendant de celui laissé par les Français, et en envoyer la chair et les peaux à