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REVUE. — CHRONIQUE.

blées entre Bayonne et Perpignan, et de ces chefs, qui, prévoyant un refus de sa part, se disposaient à entrer en Espagne avec le drapeau tricolore, en répandant des proclamations républicaines. Au contraire, dans le cas où le roi consentirait à les soutenir ouvertement, Torrijos et ses amis offraient de proclamer le duc de Nemours le jour où ils arriveraient à Madrid, et de remplacer, en Espagne comme en France, la branche aînée des Bourbons par la branche cadette. Ces paroles produisirent un changement visible sur la physionomie du roi ; il chargea les membres du comité de témoigner aux chefs de l’expédition combien il se trouvait flatté de leur préférence, ce sont ses propres expressions, et consentit à donner 100,000 francs pour l’expédition d’Espagne, promettant de faire plus dans l’occasion. Cette somme fut en effet remise sur l’ordre de M. Laffitte, alors ministre des finances à M. de Lafayette, qui chargea MM. Dupont et Chevallon de la porter à Marseille et à Bayonne, M. Loève-Veimars ayant refusé de prendre part à cette mission. Quelques jours après, le roi et ses ministres, mieux ou plus mal avisés, firent saisir, sur toute la frontière, les caisses d’armes et d’habillemens, ainsi que les chevaux achetés par le comité, et donnèrent l’ordre de faire interner en France tous les réfugiés espagnols. L’argent n’avait pas encore été distribué ; et, à l’exception d’une faible somme, dont on justifia l’emploi, il fut remis à M. Laffitte. On voit que cette velléité de propagande et d’intervention ne fut pas longue, et que toute cette affaire ne méritait pas d’être rappelée. Au reste, tous les détails que nous donnons sont authentiques, et nous défions qu’on en conteste la vérité.

— Que M. Vatout et les amis de la liste civile se rassurent ; elle n’a pas été lourdement grevée par cet acte de royale munificence. Une contestation qui s’est élevée, il y a peu de jours, entre M. Humann et M. de Montalivet, nous révèle que c’est dans le trésor qu’on puisait ces dons généreux que la jeune royauté croyait devoir faire pour se consolider. Le ministre des finances, qui tient à épurer les vieux comptes de l’état avec la liste civile, s’adressa dernièrement à l’intendant-général de S. M. pour obtenir le remboursement des avances du trésor. Une longue délibération eut lieu à Neuilly, et il fut décidé qu’on répondrait à M. Humann de porter ses réclamation ailleurs. La liste civile, votée postérieurement à ces dettes du roi, ne pouvait en être responsable, lui disait-on ; et le principe de rétroactivité, qui avait paru fort bon pour l’état de siège, fut trouvé fort impertinent en cette circonstance. On assure que M. Humann s’est montré peu satisfait de cette réponse. Il a prononcé le mot de démission, et cette semaine, on parlait en bon lieu, de M. Jacques Lefèbvre, comme d’un homme