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fort civil, fort complaisant, et très propre à diriger le ministère des finances.

— Ce n’est pas le seul changement qui se prépare. M. de Montalivet aspire à remplacer M. d’Argout, et M. de Talleyrand menace d’abandonner son ambassade de Londres. M. de Talleyrand se plaint beaucoup, il dit tout haut qu’on ne s’occupe aux Tuileries que d’affaires de famille, et qu’on dérange tous ses plans, tant on est occupé d’établir en Portugal M. le duc de Nemours. Cette préoccupation est si forte, qu’un ordre rigoureux a été transmis tout le long de nos côtes, à l’effet d’empêcher le débarquement du jeune duc de Leuchtemberg, l’ancien antagoniste du duc de Nemours, pour le trône de Belgique, et son rival actuel près de dona Maria. Qui sait même si l’on n’est pas revenu à la pensée d’établir le duc de Nemours sur le trône d’Espagne, tandis que sa femme régnerait sur le Portugal ? Le juste-milieu ne rêve pas moins que la monarchie universelle.

M. le duc d’Orléans, dont le trône est tout trouvé, passe des revues à Compiègne, et vit sous sa tente comme Napoléon. Nous avons sous les yeux une lettre d’un officier de son état-major, qui parle avec enthousiasme de l’activité infatigable du prince. On l’a vu plusieurs fois se lever à deux heures du matin, et faire éveiller ses aides-de-camp, pour jouer au billard et fumer des cigarres. La gloire du grand Condé qui dormait toute la nuit avant une bataille, ne pâlit-elle pas près de celle de ce jeune prince, qui veille ainsi en pleine paix ?

— La congrégation doctrinaire tout entière prend femme et se met en ménage. On dit que M. Guizot est sur le point d’épouser la veuve de M. Auguste de Staël. M. Mahul va revenir de son département avec sa jeune et nouvelle épouse, et l’honorable député ne tardera peut-être pas à voir la chair de sa chair et les os de ses os. Enfin il est question d’un riche mariage pour M. Duchâtel, que la doctrine désigne déjà comme un futur ministre des finances. M. Duchâtel est auteur d’un livre intitulé : La Charité, où il expose, comme principe gouvernemental, la nécessité d’empêcher le mariage entre les prolétaires, afin de diminuer la population des classes pauvres. À voir la marche que prennent les doctrinaires, et M. Duchâtel lui-même, il paraît qu’ils ont fait une variante à un vers fameux et qu’ils se sont dit :

Nul n’aura d’enfans que nous et nos amis.