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REVUE. — CHRONIQUE.

venir caché, une réminiscence toujours présente de la patrie. Les fils de l’Italie savaient rire autrefois, et chanter, et se livrer à de joyeuses mascarades ; aujourd’hui, qui d’entre eux, s’il a une âme, se souvient encore de ces choses ?

On a publié deux traductions françaises de Fieramosca, l’une anonyme, l’autre, par M. A. L. Blanchard. Sans examiner si le roman de M. d’Azéglio méritait un tel honneur, nous ne pouvons nous empêcher de donner la préférence à la dernière, malgré la notice préliminaire sur Manzoni, qui n’a rien à faire là ; notice qui n’a été composée évidemment que dans le but de faire porter à Manzoni ce qui n’est bien qu’à M. d’Azéglio.

SOUVENIRS D’ORIENT, PAR M. CORNILLE.[1]

L’Orient, tout banal qu’il commence à devenir depuis quelques années, a cet avantage sur l’Italie,

Messaline en haillons sous les baisers flétrie,
qu’il n’a pas fourni le quart du bavardage descriptif, artistique ou sentimental dont nous avons été de tout temps inondés sur cette dernière. Constantinople, Smyrne et Alexandrie ne voient pas encore ces nuées de touristes qui, chaque année, au retour de la belle saison, s’abattent sur Naples ou Florence, aussi régulièrement que les légions de cailles qu’apportent les vents d’automne sur les rivages de la Sicile. Par cela seul, si j’étais voyageur, je me déciderais en faveur de l’Orient ; et si je savais conter, comme M. Cornille, ce que j’aurais vu et entendu, il est probable que je ferais comme lui : je publierais un livre. Pendant deux années de courses dans la Turquie, la Grèce, la Syrie et l’Égypte, M. Cornille a été témoin de la plupart des faits importans qui se sont passés en Orient. En août 1831, l’incendie qui consuma le faubourg de Péra presque tout entier, le chassait de Constantinople ; à quelque temps de là, Mavromichalis brûlait sous ses yeux la cervelle au président Capo d’Istria ; nous le retrouvons ensuite sous la tente d’Ibrahim au siège de Saint-Jean-d’Acre, puis sur les bords du Jourdain, et enfin à Alexandrie, où il assiste à la réception généreuse que fit Méhémet-Ali à Abdallah vaincu.

Ces épisodes jettent de la variété dans la partie purement descriptive du livre de M. Cornille. Nous le louerons particulièrement de nous avoir fait grâce de ses méditations sur les ruines, de la mélancolie obligée et de

  1. Chez Abel Ledoux.