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RÉVOLUTION DU MEXIQUE.

Un fait isolé donna tout à coup une force imposante aux accusations qui planaient sur le gouvernement. Le rédacteur du journal El Phœnix de la libertad inséra dans sa feuille un article qui parut offensant au général Inclan, commandant la division militaire de l’état de Jalisco ; celui-ci, peu habitué sans doute aux formes républicaines, fit saisir et jeter en prison le rédacteur, et nomma une commission militaire pour le juger. Déjà la sentence de mort était prête, lorsque Rocafuerte, tel est le nom du journaliste, fit un appel au gouverneur de l’état. Ce magistrat populaire interposa vigoureusement son autorité et menaça le chef militaire. Inclan hésita, Rocafuerte ne fut pas exécuté ; mais un attentat contre la liberté individuelle d’un citoyen avait été commis, et l’on trembla pour la liberté de tous. Dans un état où la presse est libre, le journalisme est une puissance ; tous les individus qui partagent l’opinion d’un journal semblent attaqués dans la personne du rédacteur : aussi mille cris d’indignation s’élevèrent soudain contre cet attentat. Tous les journaux répétèrent au loin et avec aigreur l’injustice dont Rocafuerte avait failli être la victime. Par malheur, le gouvernement ne désavoua pas son général, soit qu’en effet il partageât l’opinion de celui-ci, soit qu’il craignît de se faire un nouvel ennemi d’un homme puissant. Inclan resta à son poste, mais aussitôt la haine publique changea d’objet et retomba à-plomb sur les ministres.

Cet évènement eut de terribles conséquences ; il décida la révolution, car un grand nombre de mécontens n’attendaient, pour éclater, qu’un instant favorable. Le nom de Rocafuerte devint le mot de ralliement des rebelles, et donna à leur cause un air de légalité qui centupla leurs forces.

Tous les yeux étaient tournés vers le général Santa-Anna, alors retiré dans sa maison de campagne près de Jalapa. Le bruit courut, soit vrai, soit adroitement inventé pour justifier la conduite postérieure du général, que le gouvernement, craignant qu’il ne se mît à la tête d’un soulèvement, avait envoyé plusieurs fois des assassins pour s’en défaire, mais que le général avait toujours été heureusement protégé par l’affection des Indiens qui l’entouraient. Quoi qu’il en soit, l’attente des mécontens ne fut pas trompée : on profita d’une cérémonie religieuse pour se réunir et se concerter. Le 2 janvier 1832,