unité, reipublicæ : la raison des choses divines était tout entière dans la raison de la chose publique. La cité de Romulus ne se réglait pas sur l’image qu’elle se faisait du ciel ; mais elle arrangeait le ciel et disposait des dieux, à la convenance de ses intérêts. Il est à regretter que Benjamin Constant n’ait pas embrassé cette vue dans toute son étendue ; elle aurait imprimé plus de vérité à la peinture qu’il nous a laissée du polythéisme romain ; elle lui aurait suggéré des considérations politiques qui auraient trouvé sous sa plume une expression lucide et démonstrative.
D’un autre côté, dans la représentation du polythéisme, telle que l’a faite notre auteur, on n’aperçoit pas assez le cours envahissant de l’esprit humain, l’imminence de l’unité qui se voilait sous les mystères, mais qui, toujours invisible et présente, accélérait par des efforts continus son triomphe ultérieur. Il est rationnellement impossible que l’idée d’unité n’ait pas lui dans la tête humaine dès l’origine des hommes et des choses ; elle a été contemporaine de tout, même des institutions qui la niaient ; elle a cherché à s’en ménager d’autres ; elle a caché sa lumière dans l’obscurité, et l’a sauvée dans le mystère. C’est donc l’indépendance philosophique de l’esprit humain qui a pris l’initiative des mystères, et la position prise se trouva si forte, que la religion sacerdotale désespéra d’en chasser la liberté. Le sacerdoce offrit une transaction et un culte aux idées, il leur offrit des temples plus intérieurs, des sanctuaires plus profonds, des pratiques plus raffinées. La philosophie accepta cette religion aristocratique qui se prêtait à elle, mais qui exigeait, comme retour, de nombreuses complaisances ; pour se sauver de tout péril, elle tomba dans la corruption, et ne put se régénérer que par l’immolation de Socrate. La décadence des mystères est évidente dans l’histoire ; mais leur origine qui est moins claire est toute en honneur de l’esprit humain. Benjamin Constant n’a pas rendu assez de justice à cette priorité de la lumière et de la vérité dans le sein des mystères.
J’aurais aussi désiré trouver dans le Polythéisme romain des traces plus vives du travail rationnel et critique, qui minait incessamment la théogonie multiple du culte officiel. Vairon ne faisait que répéter les philosophes grecs, quand il voyait dans les dieux les divers élémens personnifiés. C’était une théologie factieuse que cette intelligence métaphysique des divinités de l’Olympe. Mais une