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l’assemblée d’élection. C’est d’abord M. de la Planchotte, ancien grand-bailli d’Amont, puis M. le président à mortier Laurencin de la Grange-aux-Poules, MM. Les conseillers de Grand-Claude et de Petit-Claude, enfin MM. Zozo et Fanfan de Bretigney, M. Fifi de Saint-Gigoux, et M. Toto de Belcombe, tous gens de grand mérite, et qui, de près ou de loin, tiennent à messieurs du parlement.

Le comte ne put s’empêcher de dire en souriant : — Voilà de singuliers prénoms !

— Monsieur, reprit le bailli sans s’émouvoir, c’est la coutume de Franche-Comté de conserver les petits noms d’enfance ; cela entretient d’agréables souvenirs, et pour ma part je l’approuve fort. Mais pendant que nous causons, le temps presse : midi ! pardieu ! c’est l’heure du dîner ! Voudriez-vous me faire l’honneur de partager le mien ?

Le comte, sentant qu’un refus de sa part mettrait fin à l’entrevue, accepta sans balancer, et continua : — Monsieur le bailli, vous ne me citez, comme importans, que des noms qui appartiennent à la robe ; et la noblesse d’épée, qu’en pensez-vous ?

— J’en pense, monsieur le comte, ce qu’a écrit le prince des orateurs : Cedant arma togœ , c’est-à-dire que l’assemblée fera ce que nos messieurs de robe auront jugé convenable ; et la chose est toute naturelle, l’œil dirige, et le bras exécute. Il n’y aura de récalcitrans que nos chasseurs de loups de la montagne, qui font bande à part et prennent le singulier titre de Société des vieux Comtois.

— Vieux Comtois ! reprit M. de Morvelle, c’est la première fois que j’entends ce nom.

— Oh ! ce sont de très bons gentilshommes, tous nobles de nom et d’armes, mais qui ont des idées de l’autre monde, et y tiennent comme des enragés ; il faut les voir, monsieur le comte, vous les trouverez au Soleil d’Or, et je vous souhaite bonne chance pour ma part.

En ce moment la porte s’ouvrit, et une femme de grande taille, très blonde et très colorée, véritable beauté franc-comtoise, entra dans l’appartement. M. de Morvelle se leva aussitôt : — Non, monsieur le comte, dit le bailli, ce n’est pas la peine, ne vous dérangez pas, c’est ma femme ; — et, s’adressant à la dame, il ajouta : — Femme, M. le comte de Morvelle nous fait l’honneur de dîner ici,