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DE LA CHINE.

la cour de l’empereur dont la puissance était si grande, et sur qui l’éclat en rejaillissait, fut élevé au rang des rois. Il se trouva qu’il était Thibétain. On lui assigna pour cette raison des domaines dans le Thibet : c’est la donation de Pepin. Devenu prince temporel, le patriarche, qui prit le nom thibétain de lama (prêtre), organisa plus fortement que jamais la hiérarchie, dont cette longue série de chefs avoués de la religion avait établi les bases. Les successeurs de Gengis-Khan, ces princes que la naïve relation de Rubruquis nous montre incertains et assez indifférens entre les croyances mahométanes et bouddhistes, nestoriennes et catholiques, se plaisant aux pompes de tous les cultes, faisant discuter toutes les religions devant eux, sans se laisser convaincre par aucune ; ces princes, devenus maîtres de la Chine, demeurèrent fidèles à leur système de tolérance et d’indifférence religieuse. Les premiers empereurs de cette dynastie, flottant entre la religion étrangère des bouddhistes et la doctrine nationale des sectateurs de Confucius, ne se montrèrent persécuteurs qu’à l’égard des tao-ssé dont ils firent brûler les livres ; ils semblent cependant avoir incliné au bouddhisme, du moins c’est ce que les lettrés leur ont assez amèrement reproché. Ils en vinrent même à une sorte d’éclectisme, et déclarèrent que les lettrés étaient supérieurs dans les sciences morales et politiques, et les bouddhistes plus éclairés touchant la métaphysique. Sous la dynastie des Mongols, le lamisme, cette nouvelle organisation de l’église bouddhique, qui venait de se former à l’ombre de leur puissance, fit des progrès rapides. C’est alors que fut rédigée la gigantesque collection des livres sacrés thibétains, pour laquelle on employa trois mille onces d’or.

Après l’expulsion des Mongols, les lettrés, qui avaient été l’ame de la réaction nationale contre la dynastie tartare, les lettrés ne paraissent pas avoir persécuté le bouddhisme, bien qu’il dût avoir à leurs yeux le double inconvénient d’être une doctrine rivale et d’avoir été protégé par une domination étrangère. Selon M. Abel Rémusat, la dynastie des Ming, qui succéda aux empereurs mongols, eut encore plus qu’eux de zèle et de vénération pour le bouddhisme, tant il était déjà enraciné à la Chine.

L’invasion des Mantchoux, qui replaça la Chine sous le joug tartare qu’elle porte encore, y affermit le bouddhisme, qui était la