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FÊTES DE LA JURA.

pas sa faute au surplus. — On l’avait surchargé de lampions et de verres de couleur avec une si indiscrète profusion, qu’on avait sans doute voulu qu’il finit par s’allumer lui-même, afin de compléter l’illumination. — Il s’était donc allumé docilement, et, une fois en train, il y avait mis de la bonne volonté, je vous assure.

C’était, en vérité, quelque chose de fort beau que cet embrasement, — isolé d’ailleurs, — et sans dangers sérieux pour les maisons voisines. — Cela valait mieux que tous les feux d’artifice qui avaient été tirés les nuits précédentes, sur la place de l’Orient.

On avait eu cependant d’abord quelque crainte pour l’hôtel de la Villa, sur lequel les plus hautes flammes s’étaient un instant élancées avec une effrayante avidité. — C’eût été, il faut le dire, une cruelle fatalité si son excellence el Ayutamiento, qui, malgré les dettes énormes dont elle était grevée, avait si généreusement prodigué tant de millions de réaux pour les solennités de la Jura, était devenue victime elle-même de ses propres magnificences, et avait vu à la ruine de ses créanciers s’ajouter celle de son palais ! — Son Excellence en fut quitte pour la peur et pour son monument gréco-gothique.

Après avoir, comme un feu d’artifice ordinaire, jeté dans le ciel ses bombes, ses chandelles romaines et ses gerbes de fusées, — l’incendie redescendit humblement au niveau du faîte du temple, et ne s’occupa plus que de le consumer lentement, et d’en dessiner en braise l’ogive, les corniches, le fronton et les colonnades.

Les pompes, la compagnie de sapeurs, les divers détachemens de cavalerie et d’infanterie, accourus alors sur les lieux à la voix du tocsin qui continuait de sonner l’alarme, étaient arrivés trop tard pour rien sauver ni rien éteindre. — Ils semblèrent n’être venus là qu’afin de grossir le nombre des spectateurs, en présence desquels le frêle édifice acheva paisiblement de se réduire en cendres.

Une de ses colonnes pourtant, — une seule, — qui tomba d’elle-même, fut traînée hors du foyer par quelques soldats, et déposée, couchée en travers, devant la porte d’une allée d’où regardait un groupe de curieux dont je faisais partie. — C’était un marchepied que nous envoyait notre bonne fortune, et nous nous hâtâmes d’y monter. — Moi, j’avais pris possession du chapiteau ; — c’était la