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flamandes[1]. C’est un homme d’une grande taille, d’une physionomie mâle. Sa conversation est agréable et facile. Il est dévoué à ses amis et trouve des amis dévoués.


Je voudrais vivre dans un monde créé par John Wilson[2]. Quels charmans paysages il sait inventer ! quelles vallées ravissantes ! quelles montagnes pittoresques ! quels cieux rayonnans ! quels ruisseaux harmonieux ! quelles clartés douces s’échappent de l’orbe du soleil, à demi caché par la cime des monts ! C’est un paradis que le monde de John Wilson. Les chants du rossignol retentissent, le daim s’élance et traverse la forêt, l’épine et la ronce se dépouillent de leurs armes aiguës. Au milieu de ce théâtre enchanteur, une femme, type de la perfection, vient animer le paysage de sa présence : ange revêtu d’une forme humaine, pressant les fleurs nouvelles de ses pieds délicats et nus, jetant sur tout ce qui l’entoure, même sur les animaux sauvages qui perdent leur férocité en la voyant, le magique prestige de sa beauté. Tel est le domaine intellectuel dans lequel se joue l’imagination de Wilson. Il sait être spirituel, ironique, éloquent tour à tour. La palette de Wilson le peintre n’est pas aussi riche que la sienne en couleurs étincelantes et lumineuses. De tous nos romanciers, c’est lui qui a l’imagination la plus riante, la plus éthérée ; il aime à recueillir tout ce qui est aimable et gracieux dans les domaines de la réalité ou de la féerie. C’est là son charme et c’est aussi son défaut. Ce qu’il y a de divin dans l’intelligence et dans l’ame, ce qu’il y a de pur et de doux dans la nature inanimée lui appartient en propre. Il laisse au génie misanthropique et austère les ronces et les marécages, les landes et les déserts. Mais ce monde idéalisé, mais cette perfection abstraite, mais cette beauté angélique suffisent-ils aux créations de l’intelligence ? N’a-

  1. M. Allan Cunningham ne parle pas de deux ouvrages remarquables de M. Galt, The member et The radical, satires politiques. La première est d’une gaieté et d’une vérité piquantes. La vie de John Galt a été fort aventureuse ; et ses livres portent un cachet spécial qui nous plaît beaucoup : l’homme de lettres ne s’y montre pas, rien n’y sent le métier. C’est l’expérience de la vie qui les a dictés. Vous croyez causer avec un paysan homme d’esprit, qui a vu le monde, qui est devenu matelot, colon, planteur, spéculateur, qui s’est ruiné deux ou trois fois, qui a trafiqué dans toutes les parties du monde, qui a soutenu de longs procès, défriché des terres, mis en mouvement je ne sais combien d’entreprises, qui s’est trouvé en relation avec toutes les espèces de la famille humaine, et qui enfin, dans sa vieillesse, s’est amusé à nous livrer toute cette expérience sous forme de roman.
  2. V. l’article consacré dans ces notices à John Wilson considéré comme poète.