Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 4.djvu/669

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
665
NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

acte de témérité devant lequel il eût reculé sans doute si sa passion de vengeance n’avait fait taire en lui tout scrupule et toute crainte. En vertu du traité de partage, conclu huit ans auparavant, Paris, divisé en trois lots, était cependant une ville neutre, interdite à chacun des trois fils de Chlother par le serment le plus sacré, et par toutes les terreurs de la religion. Nul d’entre eux jusque-là n’avait osé enfreindre ce serment, et braver les malédictions prononcées contre celui qui le violerait. Sighebert en eut le courage, aimant mieux risquer son ame que de négliger un seul moyen de succès dans la poursuite de ses desseins. Paris, en effet, lui était nécessaire comme point d’appui et, pour employer une locution toute moderne, comme base de ses opérations ultérieures, soit qu’il voulût agir contre Hilperik à l’ouest, ou au sud contre Theodebert. Il somma donc la ville de le recevoir, en dépit du traité, et il y entra sans aucune résistance, car elle n’était gardée contre lui que par la protection de saint Polyeucte, de saint Hilaire, et de saint Martin[1].

Après avoir établi ses quartiers à Paris, le roi Sighebert s’occupa premièrement d’envoyer des troupes contre le fils de Hilperik, qui, parcourant en Aquitaine la même route que l’année précédente, venait d’arriver à Limoges. Entre la ville de Tours et celle de Chartres, une bande de terre comprenant les pays de Châteaudun et de Vendôme appartenait au royaume d’Austrasie : Sighebert résolut d’y lever une armée, afin de ménager les forces qu’il avait amenées avec lui. Ses messagers allèrent de bourgade en bourgade, publiant une proclamation qui enjoignait à tout homme libre de se trouver au rendez-vous de guerre, équipé de son mieux d’armes quelconques, depuis la cuirasse et la lance, jusqu’au bâton ferré et au simple couteau. Mais, ni dans les villes, ni hors des villes, personne ne répondit à l’appel ; et, malgré l’amende de

  1. Parisius venit. Greg. Turon., lib. IV, pag. 229. — Ecce pactiones quæ inter nos factæ sunt, ut quisquis sine fratris voluntate Parisius urbem ingrederetur, amitteret partem suam, essetque Polyeuctus martyr, cum Hilario atque Martino confessoribus, judex ac retributor ejus. Post hæc ingressus est in eam germanus meus Sigibertus, qui judicio Dei interiens, amisit partem suam… juxta Dei judicium et maledictiones pactionum. Ibid., lib. VII, pag. 295.